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notre nature est préformée dès le début. Involontairement, instinctivement, nous appliquons des principes dont nous ne pouvons avoir conscience que plus tard. Nous rejetons les contradictions, bien que nous n’ayons jamais entendu parler du principe de contradiction. Il y a des instincts pratiques tout comme il y a des instincts théoriques. En dehors de toute volonté agissent l’instinct de conservation personnelle et l’instinct qui pousse à aider autrui. D’une manière générale il y a en nous beaucoup plus que nous ne croyons. Comme dans la nature matérielle, les petites grandeurs sont au fond de ce qui ressort distinctement et sensiblement. La conscience, pas plus que le mouvement, ne peut naître de rien ou d’un seul coup. D’accord avec la conservation de l’énergie (ou à vrai dire — suivant l’hypothèse d’identité — par identité avec cette conservation), Leibniz croit à l’existence ininterrompue de la vie psychique dans les états de conscience ou d’inconscience, dans la clarté et l’obscurité. La disparition apparente de la vie psychique n’est qu’un passage à une forme plus obscure, plus élémentaire. À la question de savoir s’il y a des idées innées, Leibniz répond qu’il y a des aptitudes, des dispositions innées, qui se développent dès que l’expérience en offre l’occasion et qui sont au fond de toute activité théorique et pratique. Comme exemples des éléments obscurs que nous négligeons facilement, il renvoie aux sensations ordinairement faibles que nous appelons maintenant sensations générales, qui correspondent aux fonctions organiques et qui exercent toujours une influence sur notre état. Nos sens externes sont il est vrai plus distincts ; mais les qualités sensibles étant très différentes des mouvements de la matière qui leur correspondent, Leibniz admet que nos sensations ne sont simples qu’en apparence, mais qu’en réalité elles sont tout aussi complexes que les mouvements correspondants. Ce qui se présente clairement à la conscience, c’est à son avis toujours quelque chose de complexe qui suppose des éléments plus obscurs. Par exemple, en entendant le bruit de la mer, nous résumons à vrai dire les impressions de milliers de vagues en une seule sensation. Si nous y faisons attention, nous verrons que nous ne restons jamais sans sensation. Notre âme est continuellement active. Sans cesse nous