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psychologie et la théorie de la connaissance. L’œuvre précitée prend l’importance d’une vérification des idées générales de la philosophie de Leibniz. Il déclare en effet dans l’introduction qu’il veut faire abstraction de sa théorie des monades et se placer sur le terrain purement empirique.

La grande question qui se pose d’abord, c’est de savoir si au début l’âme est vide, comme une table rase (tabula rasa). Leibniz s’était déjà prononcé longtemps avant sur cette question dans le Discours (§ 27). Déjà alors, il trouvait fausse cette idée de la table rase. Elle provient d’une observation inexacte. — On néglige les mouvements minimes et obscurs de l’âme pour ne tenir compte que de ce qui est clairement conscient, de ce qui ne naît que plus tard, lorsque les expériences extérieures ont longtemps agi. Les Cartésiens commettaient cette faute aussi bien que les Empiristes. Moins il y a de diversité et de contraste entre nos sensations, moins une chose comparée au reste se détache du fond de l’âme, plus la conscience est obscure en un mot, et plus on la néglige facilement. Une observation plus exacte tracera les lignes de démarcation avec plus de prudence. Il y a toutes les transitions possibles de l’obscurité à la clarté. Leibniz appelle perceptions les modifications obscures en nous qui ne parviennent pas à la conscience véritable. En elles déjà une diversité est ramenée à l’unité. À ce degré se tiennent les êtres les plus humbles (dans le système de Leibniz : les monades du dernier degré). Leibniz n’emploie l’expression de conscience (sentiment)[1] que lorsque la perception se fait plus distincte et est accompagnée de souvenir. Le degré suprême de la vie de conscience est représenté par l’attention expresse (aperception) ou réflexion fixée sur les perceptions obscures. (Ces trois degrés sont le mieux décrits dans le petit traité : Principes de la nature et de la grâce, § 4, cf. Monodalogie, § 14 et suiv.) Mais l’activité, la spontanéité se développent à tous les degrés. Nous sommes actifs même dans les états les plus obscurs, il n’y a pas de table qui n’influe par sa nature sur ce qu’on écrit dessus, ainsi

  1. Sentiment correspond à ce que nous appelons maintenant conscience. Par conscience, Leibniz entend plus que le mot ne renferme maintenant nécessairement, à savoir connaissance réflexive.