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du 4 novembre 1696 (à l’électrice de Hanovre) Leibniz écrit : « Les âmes sont des unités et les corps sont des multitudes… Mais les unités, quoiqu’elles soient indivisibles, et sans parties, ne laissent de représenter les multitudes, à peu près comme toutes les lignes de la circonférence se réunissent dans le centre. C’est dans cette réunion que consiste la nature admirable du sentiment ; c’est ce qui fait aussi que chaque âme est comme un monde à part. » — La rigueur avec laquelle Leibniz, adhérant à Hobbes et à Spinoza, affirme l’enchaînement mécanique de la nature, l’empêche de s’en tenir à la conception dualiste ordinaire. L’hypothèse de l’identité apparaît d’après ses suppositions et d’après tout son système, comme l’unique possibilité. Les difficultés impliquées par cette hypothèse sont encore accrues par la substantialité absolue que Leibniz attribue aux monades. De la marque de l’unité que porte la conscience il conclut avec une précipitation dogmatique que l’être conscient doit être une unité absolue, indestructible, qui ne puisse rien recevoir du dehors. Si au lieu de concevoir la matière seulement par analogie avec l’esprit, il avait conçu en même temps l’esprit par analogie avec le corps, il aurait vu la nécessité d’admettre que les consciences individuelles, malgré leur marque merveilleuse d’unité, sont en communauté d’action avec le reste de l’existence, en vertu précisément de la loi de continuité qu’il souligne lui-même si fortement, mais qu’il ne peut appliquer qu’à chaque monade individuelle, et non aux rapports mutuels des monades. Développement ne prend plus pour Leibniz que le sens d’épanouissement. Pour lui, l’organisme individuel ne se forme pas du tout, il existe dès le début ; sa naissance et sa croissance consistent seulement en ce qu’il est débarrassé de son enveloppe et que ses dimensions s’agrandissent. Comme tant d’autres naturalistes d’alors, Leibniz professait aussi ce qu’on appelait l’hypothèse d’emboîtement (dans laquelle on supposait un germe situé dans l’autre à travers la suite des générations). De même, dans le domaine intellectuel, le développement ne consiste pas à adopter un fond nouveau, mais seulement à purifier le contenu donné dès le début — sous une forme, il est vrai, chaotique et obscure. — D’après Leibniz, il ne peut se former de concentration ; il ne peut se former de nouveaux