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de la base72. — Ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, une ombre s’étend sur l’intelligence ainsi que sur le caractère de Leibniz quand nous le voyons malgré cet état de choses faire si souvent des réserves à l’égard de Spinoza, en des termes où il le traite plus ou moins d’hérétique. —

La théorie des rapports de l’âme et du corps de Leibniz est une simple conséquence de sa théorie des monades. Ce que nous appelons notre corps est un groupe de monades qui se développent toutes en particulier d’après des lois intérieures et par une force intérieure, tout comme le fait notre âme. Par suite de l’harmonie universelle, on peut conclure des états d’une monade aux états d’autres monades ; c’est ce qu’on exprime vulgairement en disant qu’un être agit sur l’autre. On dit d’une monade de l’état de laquelle on peut grâce à ce raisonnement dériver les états des autres, qu’elle agit. Quand le développement interne des monades individuelles est entravé, cela provient de l’obscurité, de l’état chaotique de leurs éléments internes. Mais la nature de chaque monade, c’est-à-dire le degré d’obscurité ou de clarté et la faculté de passer à d’autres états, dont elle est pourvue, étant déterminée dès le début par égard à d’autres monades, à côté desquelles elle a été appelée à la vie, il s’ensuit qu’aux obstacles intérieurs correspondent des états déterminés d’autres monades que pour cette raison on appelle vulgairement causes. Pour s’exprimer sous une forme bien populaire, Leibniz se sert pour désigner les rapports de l’âme et du corps de l’image de pendules réglées une fois pour toutes. Sous une forme populaire et exotérique, il appelle encore le corps une substance composée. Mais cette expression est trop compacte pour sa conception proprement dite. La matière n’est pour lui qu’un phénomène, un monde de multiplicité extérieure, dont les états expriment aux sens les modifications internes des monades, qui forment la réalité proprement dite. D’après la terminologie de Leibniz, une chose est « exprimée » ou « représentée » par une autre quand les manières de désigner ces deux choses sont entre elles dans un rapport constant et régulier (Lettre à Arnauld, octobre 1687). Ce qui dans l’intérieur des monades est concentré, combiné en unité, apparaît à la sensibilité comme une diversité étendue. Dans une lettre