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points de vue théologiques du commencement jusqu’à la fin nuisait décidément à la clarté et au sens de la philosophie de Leibniz. Et ce n’est pas le moins du monde faciliter la solution des problèmes que de les revêtir d’une forme théologique. Un certain sentiment de recueillement pieux fait que l’on cesse plus tôt ses questions et ses objections ; mais un arrêt de ce genre n’est pas une solution. Il est facile de voir que le problème est insoluble dans la forme sous laquelle Leibniz se le posait. Si les monades sont des substances absolues, elles ne peuvent être créées. L’invocation d’une création surnaturelle cache seule la contradiction évidente. De même que Leibniz exclut par sa notion de substance une action réciproque réelle entre les monades, de même il aurait dû logiquement nier qu’elles fussent formées d’une substance différente d’elles. Malebranche a dit ici le mot de la fin : Dieu ne peut pas créer des Dieux ! — La différence entre Leibniz et Spinoza disparaît positivement — abstraction faite de cette contradiction évidente — vu que la création des monades n’est achevée une fois pour toutes à aucun moment quelconque, et qu’elle se poursuit continuellement : le rayonnement ou l’émanation des monades se fait d’une façon ininterrompue (Discours, § 14, 32. Monadologie, § 47). Leibniz insiste sur ce fait, que c’est la source, la force de l’activité qui s’écoule ainsi sans interruption de la divinité dans les monades. Mais Spinoza déclare lui aussi que la tendance qui porte tout être individuel à se conserver, est une manifestation particulière de la puissance qui agit dans tous les êtres individuels. Logiquement, la philosophie de Leibniz ne se distingue ici de celle de Spinoza que parce que les êtres individuels sont mis plus en avant et que leur origine commune est laissée dans l’ombre, dans l’arrière-plan (lequel ne reçoit plus de lumière que lorsque Leibniz cherche à se rattacher aux théologiens), tandis que chez Spinoza les êtres individuels sont plutôt regardés comme des rejetons ou ramifications de l’Être infini, lequel est sa première et sa dernière pensée. La différence des deux systèmes peut se réduire à la même différence que celle que l’on peut trouver selon Leibniz entre deux aspects du monde qui se produisent par sa rotation. Pour tous deux l’existence est une pyramide, mais Spinoza la contemple du sommet, et Leibniz