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trouvèrent au moyen du microscope. Ici s’ouvrait à lui un monde d’infiniment petits dans le domaine de la vie organique ; du reste il avait contribué lui-même à révéler le monde des infiniment petits, de même qu’il avait affirmé dans sa philosophie que derrière la masse en apparence uniforme on pouvait trouver la réalité véritable, consistant en êtres individuels avec une nature proche de la nôtre. Le commencement et la fin, la naissance et la mort n’étaient pour lui que des phénomènes, les manifestations d’un processus de contraction, de développement, d’obscurcissement ou d’éclaircissement des monades. Les ruptures et les différences absolues disparaissaient (de même que l’uniformité de la masse), à mesure qu’il comprenait plus clairement les nuances individuelles infinies de la vie. Dans tous ses exposés ultérieurs Leibniz renvoie avec un visible plaisir aux travaux des grands naturalistes contemporains mentionnés plus haut.

Il semble que la notion de monade oppose nettement Leibniz à Spinoza. Pour ce dernier, il n’y avait qu’une seule substance et les êtres individuels n’étaient à cette substance que comme les vagues à la mer. Pour Leibniz, la réalité véritable, c’est une diversité de forces individuelles, agissant toutes conformément à leur loi immanente, en sorte que tous leurs effets ressortent de leur caractère original. Leibniz lui-même souligna souvent et fortement ce contraste, contraste qui apparaît le plus nettement dans une lettre à Bourguet (décembre 1714) : « Je ne sais comment vous en pouvez tirer quelque Spinozisme ; au contraire, c’est justement par ces monades que le Spinozisme est détruit. Car il y a autant de substances véritables… qu’il y a de monades, au lieu que, selon Spinoza, il n’y a qu’une seule substance. Il aurait raison, s’il n’y avait point de monades ; et alors tout, hors de Dieu, serait passager et s’évanouirait en simples accidents ou modifications. »

Et cependant Leibniz et Spinoza parlent de la même notion fondamentale de substance. Toutes les déterminations et tous les états de la substance doivent découler de sa propre nature interne, ne doivent pas être l’effet d’une action extérieure. C’est ce que Leibniz prétend à l’égard de ses monades aussi