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ce qui pour nous est réalité. Mais cela ne nous oblige pas à admettre qu’il existe autre chose que des monades et leurs représentations. — Ici un ordre d’idées complètement nouveau devenait possible : c’était de vérifier si du point de vue purement subjectif, de l’hypothèse que le monde n’existe que sous la forme de représentation, on parvenait au même résultat que par la voie objective que Leibniz avait suivie jusqu’ici. Leibniz ne s’est pas engagé sur cette voie nouvelle et lorsque dans ses dernières années il entendit parler de l’essai fait par Berkeley en ce sens, il n’y vit qu’un pur paradoxe (voy. la lettre du 15 mars 1715 à des Bosses). Leibniz n’a évidemment pas bien vu la grande différence qu’il y entre le phénomène de quelque chose et le phénomène pour quelqu’un. Ces deux relations peuvent être contenues dans la notion de « phénomènes ». Leibniz commence par la première et finit par la seconde. Ce n’est qu’après avoir posé la notion de substance comme la force et l’unité individuelle qu’il trouve — par suite de la loi d’analogie — que son essence consiste dans l’activité représentative. Le fait même que cette dernière conception est le terme de la marche de sa pensée permet de comprendre qu’il n’en tire pas toutes les conséquences71. Leibniz continue à regarder les phénomènes matériels comme les manifestations d’un ordre objectif des choses. En vertu de la loi de continuité tout dans le monde de la matière est en action réciproque ; le changement d’une partie du monde s’étend à toutes les parties. Et il en conclut que toute monade représente plus ou moins clairement l’univers entier, de même que tout point particulier de l’univers physique éprouve tout ce qui se passe dans l’univers entier. La théorie même qu’il y a une multiplicité de monades montre que Leibniz n’a pas suivi la voie purement subjective, car il n’aurait eu alors affaire qu’à une seule monade et à son image du monde. Admettre d’autres consciences que la mienne, c’est supposer déjà l’application du raisonnement par analogie, sur lequel Leibniz étaye son idéalisme métaphysique. —

Une confirmation empirique de son hypothèse que dans toute masse morte en apparence il y a de la force, de la vie et une âme, c’était à ses yeux la découverte des petits organismes que Swammerdam, Leeuwenhoek et autres naturalistes