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Le nom technique de l’être individuel absolu qui forme pour Leibniz la réalité véritable, c’est la monade. Ce mot grec signifie unité et ne désigne donc les êtres que par leur côté formel. Si nous demandons ce qu’est proprement cette unité individuelle avec ses états internes développés conformément à une certaine loi, Leibniz nous répond que nous devons nous la figurer par analogie avec nos propres âmes. Il ne l’exprime pas catégoriquement dans le Discours. Mais dans la correspondance suivante avec Arnauld il dit : « L’unité substantielle demande un être accompli, indivisible et naturellement indestructible, puisque sa notion enveloppe tout ce qui lui doit arriver, ce qu’on ne saurait trouver ni dans la figure ni dans le mouvement… mais bien dans une âme ou forme substantielle, à l’exemple de ce qu’on appelle moi. » (Lettre à Arnauld, novembre 1686.) L’analyse objective est ainsi complétée ici par une analyse subjective. En nous-mêmes nous trouvons au moyen de l’observation du moi des états internes (sensations, sentiments, pensées) qui changent, et une tendance ou un appétit qui nous pousse à passer d’un état à l’autre. Au moyen de cette observation subjective nous devons — par la voie de l’analogie — nous rendre intelligible la nature des monades. Notre âme n’est qu’une monade particulière, mais nous n’avons pas lieu de croire que nous sommes seuls dans la nature. Au contraire. Suivant la loi de continuité qui exclut les passages brusques dans la nature ; nous devons admettre qu’il y a un nombre infini de degrés de l’existence que nous connaissons par nous-mêmes : c’est partout et toujours la même chose, aux degrés de perfection près. La loi de l’analogie nous commande de professer partout le principe : « tout comme ici »70. La loi de l’analogie d’après laquelle nous concevons toute autre existence comme ne différant de la nôtre qu’en degré, n’est pour Leibniz qu’une forme spéciale de la loi de continuité et est issue comme elle du principe de raison suffisante. Si l’on n’admet une animation générale aux degrés inférieurs et supérieurs, on ne comprend plus du tout comment la sensation et la conscience peuvent naître. De même que la formation du mouvement était inexplicable aux Cartésiens, parce qu’ils ne remontaient pas à la force, de même la formation de la con-