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ouvrages postérieurs réapparaît toujours sous des formes souvent variées l’ordre d’idées suivant : l’étendue suppose quelque chose qui est étendu, c’est-à-dire répété plusieurs fois. Étendue signifie multiplicité, composition, agrégat. Mais la nature du composé dépend du composant. Ce n’est pas l’agrégat qui possède la réalité, mais les unités dont il se compose. S’il n’y avait pas de substances absolument simples, il n’y aurait aucune réalité. L’hypothèse de la réalité de la matière étendue a en outre cet inconvénient que sa divisibilité va jusqu’à l’infini, par suite de la loi de continuité. Les vraies unités ne peuvent pour cette raison être matérielles, être étendues ; d’un autre côté, s’il n’existait pas de ces unités absolues, la matière ne serait qu’une vaine apparence, sans réelle signification. L’absolument simple et l’absolument indivisible peut seul être substance, et il ne peut être matériel.

Avant de nous demander ce qu’il est, nous devons encore relever une détermination importante. Leibniz partait des principes de la science de la nature. Pour lui, le plus important, c’était le principe de la conservation de l’énergie[1]. C’était pour lui le fondement des lois de la nature (fundamentum naturæ legum). Or, ce fondement des lois de la nature ne peut se comprendre d’après Leibniz (voir en particulier, De ipsa natura, édition Erdmann, p. 155) que par un raisonnement téléologique : Il est nécessaire que dans le monde la même quantité d’énergie soit conservée ; mais cette nécessité dépend de ce que la sagesse et l’ordre divins règnent dans le monde ; le premier principe ou la première « raison suffisante » du mécanisme, c’est une cause finale, un principe téléologique. C’est ce que Leibniz développe comme suit dans un petit traité dirigé contre le physicien Papin (De legibus naturæ, édition

  1. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, cette loi émane d’Huyghens qui dans sa théorie du pendule a développé des indications émises par Galilée et que nous avons aussi trouvées chez les disciples de Galilée, Gassendi et Hobbes (Cf. E. Mach. Die Geschichte und die Wurzel des Satzes von der Erhaltung der Arbeit. Prague, 1872, p. 107). Leibniz soutenait la conservation de l’énergie contre les partisans de Newton qui voulaient la nier. Voir son intéressante polémique contre Clarke dans Opera philos., éd. Erdmann, p. 746, sqq. Pour la position de Descartes, de Newton et de Leibniz, concernant ce principe, Cf. Rosenberger : Isaac Newton und seine physikalischen Principien, Leipzig, 1895, p. 409-412.