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a une raison, est le principe fondamental véritable de la philosophie de Leibniz, bien qu’il ne le pose formellement en principe que dans ses ouvrages postérieurs (dans la Théodicée et la Monadologie). À la notion de « loi » se rattache encore chez Leibniz une autre notion fondamentale : la notion d’individualité. Individualité signifie pour lui la loi suivant laquelle se succèdent les changements des états d’un être. Chaque individu a pour ainsi dire sa formule. De même que dans une série mathématique on peut trouver les termes suivants quand on a trouvé la loi de l’ordre des premiers termes, de même on observe un ordre semblable dans les modifications intérieures d’un être individuel. L’individualité consiste dans la loi de succession de ces changements : la loi du changement fait l’individualité de chaque substance particulière (Lettre à Basnage). Dans le Discours de métaphysique où pour la première fois il introduit la notion de substance individuelle, Leibniz compare les rapports entre la substance et ses états changeants avec les rapports entre le sujet et l’attribut d’un jugement logique : dans un jugement logique il doit être possible de trouver l’attribut contenu dans le sujet, dès qu’on connaît complètement celui-ci ; de même celui qui connaît la nature de l’individu pourra en dériver tous les états changeants. Il y a continuité entre eux, puisque le suivant a toujours sa raison dans le précédent. Chacune de ces substances en particulier est par conséquent un monde en petit, se développe selon ses propres tendances intérieures et a sa propre vie intérieure. Ce n’est que par miracle qu’une semblable substance individuelle peut naître ou périr. Et chaque substance a sa loi propre, différente de celle des autres substances.

Si l’on demande pourquoi le réel, ce qui existe (la substance) doit être individuel, Leibniz répond : parce qu’il ne peut exister que des unités, des êtres individuels. Il blâme les Cartésiens, non seulement d’attribuer une réalité absolue au mouvement, mais encore d’attribuer une réalité absolue à l’étendue et d’en faire la substance. Déjà dans les remarques qu’il fit en lisant l’Éthique de Spinoza, il nota qu’il n’est pas certain que les corps soient des substances ; il en est autrement des âmes. Cette déclaration indique la tendance de sa pensée. Dans ses