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dans le monde, tout en prétendant que le mouvement passe au repos et inversement, étaient forcés d’admettre des solutions perpétuelles de continuité, car le passage du mouvement au repos, ainsi que du repos au mouvement, était inexplicable. La continuité ne peut se soutenir qu’au moyen de la notion de force (ou tendance, conatus). Il n’y a plus alors entre le mouvement et le repos qu’une différence relative : ce sont des formes phénoménales différentes de la force. C’est la force qui subsiste. Il n’y a pas d’immobilité absolue. Il n’y a pas de corps en mouvement en un seul et même endroit de l’espace, pas même pendant le plus petit moment que l’on puisse se figurer. Si l’on demande ce qu’est la force, Leibniz répond : ce qu’il y a dans l’état présent qui porte avec soi un changement pour l’avenir (Lettre à Basnage). C’est là ce qu’il y a de réel dans l’existence. Leibniz parvient à cette idée également par la critique de la notion d’atome, telle que l’atomisme d’alors la concevait. L’hypothèse d’atomes absolument durs serait contraire à la conservation de la force et de la continuité, car dans tout choc il se perdrait de la force. Voilà pourquoi les atomes doivent être élastiques (ainsi que l’enseignait déjà Huyghens), et par suite se composer de parties ; dire qu’il y a des atomes absolus, c’est par conséquent se contredire soi-même. Quand nous examinons la chose à fond, nous trouvons partout l’activité. Leibniz dit dans une lettre : « Les atomes ne sont que l’effet de la faiblesse de notre imagination, qui aime à se reposer et à se hâter à venir à une fin dans les sous-divisions ou analyses. » (Lettre à Hartsoeker, 1710). La différence entre le solide et le liquide est relative, de même que le mouvement est relatif. À ce point de vue la force seule possède une réalité véritable.

Leibniz exprime dans la langue de son temps que la force est la réalité proprement dite en disant que la force est substance et que toute substance est force. La notion de force se rattache étroitement à la notion de loi : la force est seulement dans un état ce qui fait que dans l’avenir une modification se produira. La condition de toute application de la notion de force, c’est donc un ordre régulier des états changeants. Voilà pourquoi le principe de la raison suffisante, d’après lequel tout