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une existence invariable en soi. Leibniz y trouva lui-même la possibilité de concilier la téléologie et le mécanisme en admettant que les forces qui forment la nature intime des êtres et des phénomènes individuels et qui persistent sous tous les changements, émanent de l’essence divine et agissent en vue de fins utiles. Les fins divines sont alors satisfaites dans la nature sans qu’il y ait rupture dans l’ordre régi par des lois, et par cet ordre justement. Le progrès réalisé du traité de 1680 au Discours de 1685 consiste surtout en ce qu’il affirme le caractère individuel des substances et qu’il les conçoit par analogie avec les âmes des hommes et des animaux. Chaque être en particulier est un monde en petit, se développe conformément à ses lois intérieures et par sa propre force, est un rayonnement spécial de la force divine, et en raison de la communauté d’origine, ce développement est en harmonie avec le développement de tous les autres êtres. — Le système de Leibniz était achevé. Il vint à la publicité d’abord dans une dissertation imprimée en 1695 dans le Journal des savants (Système nouveau de la nature et de la communication des substances). Leibniz n’employa le terme de « monade » que plus tard (1696). Il n’est pas probable qu’il ait emprunté ce terme à Bruno ; historiquement, on ne peut d’ailleurs constater aucune influence directe de Bruno sur Leibniz, quelque grande que soit l’affinité que montrent plusieurs de leurs idées. Il est plus vraisemblable (ainsi qu’on a conjecturé dans ces derniers temps) qu’il ait emprunté ce terme au chimiste mystique van Helmont le jeune, avec lequel il était entré en rapport peu de temps avant le moment où le mot se trouve pour la première fois chez lui. —

Leibniz satisfaisait à sa propre définition de la substance, qu’elle est ce qui agit constamment. Même lorsque son système fut formé, il continua à développer ses pensées fondamentales dans la forme la plus claire qu’il se pouvait. Sa vaste correspondance et ses grandes relations personnelles lui en fournirent abondamment l’occasion. C’est ainsi que pendant son séjour à Vienne (1714) il composa pour le Prince Eugène un exposé de sa théorie des monades, qui fut imprimé après sa mort sous le titre de Monadologie. En même temps il observait avec attention les mouvements de l’époque. Il eut avec deux