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qu’il voulait concilier avec elle la conception téléologique, d’abord d’une façon plus dualiste, puis (en adhérant à Hobbes et à Spinoza) d’une façon plus moniste. Il était convaincu que « les modernes avaient poussé la réforme trop loin » en faisant de tout des machines, mais il n’était pas moins convaincu qu’on n’a fait jusqu’ici que se couvrir de ridicule en essayant de réfuter jusqu’au rigoureux enchaînement mécanique des processus matériels qui se montrent le plus étroitement liés aux phénomènes de l’esprit.

Leibniz écrit dans une lettre de 1697 : La plupart de mes sentiments ont été enfin arrêtés après une délibération de vingt ans, car j’ai commencé bien jeune à méditer. Cependant j’ai changé et rechangé sur des nouvelles lumières et ce n’est que depuis environ douze ans que je me trouve satisfait. Cette déclaration fait allusion à l’année 1680. Cette année-là, Leibniz rédigea un petit traité (Petit discours de métaphysique) qu’il envoya au commencement de l’année suivante à Arnauld. Il y déclare que l’existence consiste en substances individuelles ; dans chacune d’elles le monde est exprimé par une des faces possibles en nombre infini, sous lesquelles il peut se contempler dans la pensée divine ; chaque existence individuelle est une idée de Dieu — réalisée par une « émanation » continue. — L’étendue et le mouvement ne sont que des phénomènes tout comme les qualités sensibles. La force seule, et non le mouvement subsiste ; et la force est identique à la substance. Ce discours fut préparé par un discours antérieur (de 1680), où il développe pour la première fois que le fond intime du mouvement — du mouvement auquel les systèmes modernes réduisaient tout dans la nature matérielle ! — n’est pas encore suffisamment éclairci (intima motus nondum patent) ; après quoi il prétend que être (exister, être substance) et être actif, c’est une seule et même chose, du reste toute force ou toute tendance est activité69. La proposition que toute substance agit, et que tout ce qui agit est substance (omnem substantiam agere, at omne agens substantiam appellari) est peut-être la plus importante de toute la philosophie de Leibniz. Par elle, il mit un terme au mysticisme ou à la mythologie qui se représente l’essence des choses comme une essence immobile, comme