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a pu dire de lui que, s’il avait été compris et soutenu par les savants de l’époque, la linguistique aurait été fondée un siècle plus tôt comme science inductive. De même, dans le domaine de la médecine il émit des idées considérables. — Il n’est pas étonnant qu’il puisse déclarer dans une lettre : Je ne saurais dire combien je suis extraordinairement distrait. Je fais des recherches dans les archives, retire des vieux papiers et recueille des documents inédits. Je reçois et j’envoie des lettres en grand nombre. Mais j’ai tant de nouveautés en mathématiques, tant de pensées en philosophie, tant d’autres observations littéraires que je ne voudrais pas laisser perdre, que souvent je ne sais par où commencer. — Leibniz ne réussit du reste pas à se concentrer dans une œuvre exprimant l’essence de sa personnalité et de sa pensée. Il n’était pas comme Spinoza « l’homme d’un seul livre ». Il a émis ses idées dans une multitude de lettres et de petits traités qui ne sont pas encore tous publiés. Les écrits philosophiques les plus importants qui aient été mis au jour jusqu’ici se trouvent dans l’édition de Gerhardt (7 volumes) ; mais beaucoup se trouvent encore dans la bibliothèque de Hanovre. Cet homme possédait une force de travail et une mobilité de pensée incroyables. Dans son système l’existence se reflète à l’infini dans les âmes individuelles : de même il éprouvait le besoin de rendre son système intelligible en se plaçant aux points de vue très différents avec lesquels il entrait en contact. À mesure qu’il correspondait avec le janséniste Arnauld il finit par avoir clairement conscience de son système. Mais il ne voyait pas d’inconvénient à lui donner une forme scolastique, afin que les amis qu’il comptait parmi les jésuites pussent le trouver admissible. Il le remania sous une forme plus populaire pour philosopher avec la princesse de Hanovre ou la reine de Prusse, ou pour donner au Prince Eugène un exposé de sa doctrine (qu’on a appelé plus tard la Monadologie).

Nous n’avons pas encore poursuivi le développement des idées philosophiques de Leibniz jusqu’à leur conclusion, jusqu’au point où il put dire qu’il croyait avoir trouvé « une nouvelle face de l’intérieur des choses ». Nous avons vu qu’il défendait la légitimité de la science mécanique de la nature, mais