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imaginer de méprise plus grande que de conclure que Leibniz conteste l’hypothèse de l’identité de ce qu’il affirme la pluralité des substances. Sa tendance visait directement à unir les deux manières de voir ; c’est une question à part, que de savoir dans quelle mesure il a réussi.

Vers la fin de 1676, Leibniz prit possession du poste de Conseiller aulique et de Bibliothécaire du duc de Hanovre (Braunschweig-Lüneburg). Une foule de travaux administratifs, historiques et politiques le captivèrent, et son zèle incessant à s’étendre dans tous les domaines provoqua une volumineuse correspondance. À la Bibliothèque de Hanovre on conserve sa correspondance avec plus d’un millier de personnes. Mais de même que la pensée principale de sa philosophie était que l’existence consiste en une foule d’êtres individuels possédant chacun son originalité et formant une harmonie et une continuité réciproques, de même il y a un lien intérieur entre ses recherches dans les différents domaines. Son œil était ouvert aux petits faits, aux différences imperceptibles, qui peuvent toutefois se révéler comme réalités par leur assemblage et leur totalisation. Ses mathématiques, sa physique et sa philosophie nous montrent ce trait. Mais il n’attachait pas moins d’importance à la continuité, à l’enchaînement intérieur de toutes choses. Ce qui l’intéressait dans ses études historiques, c’était le lien du passé avec le présent, et un intérêt analogue le détermina à se procurer des renseignements sur la Chine au moyen de missionnaires jésuites. Il avait le sens de ce qui est pratiquement utile comme celui de la science et de l’Église. Il veillait au développement des mines dans le duché, travaillait à la création d’académies, proposait la transformation des couvents en établissements scientifiques, négociait avec Bossuet en vue d’unir les Églises catholique et protestante, et plus tard avec des théologiens protestants en vue d’unir les Églises luthérienne et réformée. À Pierre le Grand, qu’il admirait hautement et avec lequel il eut plusieurs entretiens, il proposa des réformes et des mesures pour favoriser la linguistique et la science de la nature. Comme philosophe du langage, il avait une vue si juste et il affirmait la valeur de l’expérience pour l’étude de la linguistique avec une telle énergie, que Max Müller