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gnement — il passa par l’Angleterre et alla en Hollande, où il séjourna deux mois. Il visita à différentes reprises Spinoza et discuta avec lui des sujets philosophiques. Ce n’est que par les découvertes littéraires les plus récentes68 qu’on connaît les relations personnelles des deux grands penseurs. L’amitié devint si intime que Spinoza finit par surmonter ses scrupules et par montrer l’Éthique. Leibniz mentionne il est vrai en un seul endroit (dans la Théodicée) sa visite à Spinoza, mais il arrange l’affaire comme si la conversation avait roulé sur des choses banales ! Ce n’était pas une recommandation d’avoir tenu de si près à Spinoza. Du reste dans l’édition des œuvres de Spinoza qui fut publiée par les soins de ses amis aussitôt après sa mort, différentes lettres sont abrégées et souvent les noms des auteurs des lettres sont omis, et Leibniz, qui attendait cette publication avec impatience, fut très décontenancé en trouvant imprimée une de ses propres lettres (une lettre tout à fait insignifiante, il est vrai) avec son nom en toutes lettres. On ne soupçonnait pas auparavant que Leibniz eût écrit plusieurs lettres à Spinoza. — La marche de la pensée de Spinoza a exercé une grande influence sur Leibniz, elle a surtout contribué à le faire sortir définitivement de la théorie dualiste. On retrouve chez lui les idées de Spinoza, quand à cette époque il représente aux Cartésiens que la différence entre l’esprit et la matière n’empêche pas qu’ils peuvent être des attributs d’une même substance. On a des gloses et des extraits de Leibniz qui proviennent de la première lecture de l’Éthique de Spinoza. En trois points il fait immédiatement des objections, et tous trois sont caractéristiques de la marche de sa pensée. Le premier est la 5e proposition du premier livre, laquelle prétend qu’il ne peut y a avoir qu’une seule substance ; le deuxième, c’est l’exclusion de l’intelligence et de la volonté de la « nature naturante » (Éth. 2, 31) ; le troisième, c’est l’appendice du premier livre avec la célèbre polémique contre les causes finales. — Leibniz ne fut jamais plus Spinoziste que Cartésien ou Hobbiste. Mais il a reçu de ses devanciers de puissantes impulsions. Pour ce qui est de Spinoza, il faut surtout remarquer que Leibniz se range à l’hypothèse de l’identité posée par Spinoza et qu’il la développe. On ne pourrait guère