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verte qu’il fit dans les années suivantes du rôle des grandeurs infinitésimales en mathématiques. Dès cette époque il combat la théorie de Descartes sur la conservation du mouvement et commence à établir à sa place la conservation de la force. La différence entre l’esprit et la matière consiste pour lui en ceci : une tendance qui ne se transforme pas en mouvement ne peut, dans le domaine matériel, exister que dans un moment isolé ; mais dans la vie psychique elle peut s’étendre par le souvenir et la pensée au delà d’un instant. C’est ce qu’il exprime excellemment par cette proposition, qu’un corps est un esprit momentané pu un esprit sans souvenir. Dans une lettre de l’année 1671, il dit : « Comme l’activité des corps consiste dans le mouvement, ainsi l’activité des âmes consiste dans la tendance (conatus) ou pour ainsi dire dans un mouvement minimal ou ponctuel, du reste l’âme n’est à vrai dire qu’en un seul point de l’espace, tandis que le corps occupe une place. » Dans ces indications nous avons ce que nous pourrions appeler la deuxième philosophie de Leibniz. Il cherche à dépasser le dualisme et défend la continuité en adjugeant aux différentielles de la matière une tendance spirituelle, mais il n’a pas encore une idée claire des rapports du monde matériel avec le monde psychique. Un point de rattachement obscur se trouve dans la notion de tendance ; Leibniz ne dépasse pas ici cette vague indication. Ce qu’il y a de certain pour lui, c’est qu’on ne trouvera la solution que si l’on remonte des données des phénomènes à leurs éléments et à leurs conditions.

L’activité de Leibniz s’étendait aux différents domaines scientifiques ; de même il s’efforça de se mettre en contact avec des hommes éminents et de tendances d’esprit différentes. À Paris, il fit la connaissance de Huyghens, aux idées mathématiques et physiques duquel Leibniz doit beaucoup ; c’est sûrement par lui qu’il a été amené au principe de la conservation de l’énergie, qui joue un si grand rôle dans sa pensée. Auparavant il s’était adressé par lettre à Hobbes, mais il ne semble pas qu’une correspondance en ait résulté. Durant son séjour à Paris, son attention fut attirée par Spinoza, dont le Traité théologico-politique avait paru peu d’années avant ; l’Éthique n’était encore accessible qu’à un petit nombre