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dans les idées modernes, malgré toute son admiration pour elles et pour leurs interprètes, c’est qu’elles menaçaient la considération esthétique et religieuse de la nature. On niait dans la conception du monde la légitimité de la notion de fin et le monde semblait ne plus être qu’une simple machine. Ce fut la tâche de sa vie de concilier des idées venant de régions opposées du monde intellectuel, et pendant qu’il travaillait à atteindre ce but, il déploya une profusion de pensées et de points de vue, de découvertes et d’indications qui est peut-être unique dans l’histoire de la pensée. Dans presque tous les domaines son activité fut créatrice ou inspiratrice, et bien qu’il ait traité des matières très différentes, ses pensées possèdent néanmoins une harmonie intérieure, un type commun.

Gottfried Wilhelm Leibniz naquit le 21 juin 1646 à Leipzig. Son père, savant juriste et professeur de philosophie morale, mourut de bonne heure, et le jeune garçon, la plupart du temps abandonné & lui-même, se tenait de préférence dans la bibliothèque de son père, où il lisait le plus possible, d’abord surtout des romans et des ouvrages d’histoire, puis des ouvrages scolastiques. Malgré tous les obstacles dus aux langues étrangères et au caractère abstrus de la matière, il n’en cherchait pas moins à comprendre par son seul secours ce qui lui tombait sous la main. Ceux qui l’entouraient, à ce qu’il raconte dans une esquisse biographique, craignaient d’abord qu’il ne devînt poète, puis qu’il ne fît un scolastique : « ils ne savaient pas que mon esprit ne se pouvait remplir d’une seule espèce de choses ». De bonne heure commença à se manifester dans son esprit l’antagonisme entre la conception mécanique et la conception téléologique de la nature. Il raconte qu’étant tout jeune homme il se promenait dans une forêt près de Leipzig en se demandant s’il devait persister dans la philosophie scolastique ou adhérer aux doctrines nouvelles. Le besoin d’acquérir une culture universelle et de connaître les sciences exactes le détermina à quitter Leipzig. Une vexation qu’il subit lui fit renoncer au projet de chercher à obtenir le grade de docteur dans sa ville natale. Il passa le grade de docteur en droit à Altdorff, puis alla à Mayence, où malgré son jeune âge il fut placé au service du