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semble tout aussi impossible que la quadrature du cercle. Il croit toutefois que l’éternelle sagesse de Dieu, qui se manifeste en toutes choses et principalement dans l’esprit humain, s’est révélée surtout dans le Christ. — Spinoza veut que les Saintes Écritures soient soumises à un examen purement historique. La Bible doit être expliquée par elle-même. Ce n’est qu’après avoir constaté ce qu’enseigne vraiment la Bible que l’on peut soulever le problème de la vérité de cette doctrine. De même que Spinoza affirmait l’indépendance de l’investigation scientifique et de l’éthique, de même il affirme ici l’indépendance de la méthode historique. Il montre son sens historique en exigeant que dans l’interprétation des Écritures on tienne compte de ce que l’on sait sur l’individualité des auteurs. En même temps il faut examiner l’origine des Écritures. L’examen fait par Spinoza le porta à croire que les cinq livres de Moïse avaient été composés pendant l’exil. L’investigation moderne ne va pas si loin ; elle a néanmoins un prédécesseur dans Spinoza. —

La philosophie de la religion de Spinoza fut la première à porter ses fruits. Avant que Lessing et Gœthe, et ensuite les philosophes spéculatifs, se fussent rangés de son côté, ses idées exercèrent une grande influence dans les Pays-Bas vers la fin du XVIIIe siècle. Les uns firent de ses idées le fond de leur vie méditative et sentimentale, et même des sectes religieuses, de caractère tantôt mystique, tantôt rationaliste, se formèrent, dont la conception et la pratique du christianisme émanaient, par des moyens termes et avec des modifications plus ou moins nombreuses, des ouvrages du philosophe solitaire. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’orthodoxie hollandaise eut fréquemment l’occasion de déclarer hérétiques des pensées spinozistes. Le Spinozisme religieux se combinait dans sa forme mystique avec l’influence des œuvres de Jacob Böhme, qui depuis la fin du xviie siècle étaient lues avec ardeur dans les Pays-Bas. — Chose étrange, les trois éléments qui étaient fondus en une unité originale dans la pensée de Spinoza, trouvèrent plus tard chacun à leur tour un assentiment enthousiaste : d’abord l’élément religieux dans les Pays-Bas, puis l’élément idéaliste dans la Renaissance allemande à la fin du xviiie siècle, et enfin l’élément réaliste chez les philo-