Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deuxième livre de l’Éthique : Voluntas et intellectus unum et idem sunt. Mais dans le troisième livre de l’Éthique, où il donne l’histoire naturelle des sentiments, apparaît une conception toute nouvelle de la volonté ; il définit la tendance consciente à persévérer dans son être (Éthique, III, 9 Schol.). Bien loin d’être identique à la connaissance, et à plus forte raison d’en être une conséquence, c’est celle-ci qui dépend directement de la volonté : « nous recherchons, voulons, désirons et souhaitons une chose non parce que nous croyons qu’elle est bonne, mais au contraire nous croyons qu’une chose est bonne parce que nous la recherchons, voulons, désirons, et souhaitons. » Tendance et volonté sont donc ici identiques, et les idées dépendent d’elles. Dans son écrit sur le développement de la pensée Spinoza, où il élucide brillamment ce point, Tönnies présume, avec une grande vraisemblance, que c’est l’influence de Hobbes qui a provoqué cette dernière modification dans la conception de Spinoza. Hobbes unit étroitement tendance et volonté entre elles et avec l’instinct de conservation : il souligne en même temps l’influence qu’a le fait de penser à un but sur l’association des idées. Dans l’œuvre de Spinoza telle qu’elle se présente, il y a une contradiction apparente entre la définition de la volonté donnée II, 49 Coroll. et la définition III, 9 Schol, en sorte qu’il est extrêmement vraisemblable que deux esquisses ont été ici rapprochées sans que les traces des conceptions différentes aient été effacées entièrement.

Dans son exposé de la psychologie des sentiments contenu dans le troisième livre de l’Éthique, Spinoza part de la tendance à se conserver soi-même comme expression de la nature de chaque être individuel. Si par là il a un peu modifié sa psychologie, il ne modifia rien à sa philosophie générale. La nature infinie, la divinité même, est active dans chaque être individuel. La tendance de tout être individuel à se conserver n’est donc qu’une partie de l’activité divine infinie dans l’existence entière. Dans le Court traité (I, 5) il voyait déjà (comme Bruno) une manifestation de la divine Providence dans cet instinct de conservation personnelle qui est vivant dans tous les êtres. Et cette tendance est identique à la nature propre des choses, prend un caractère différent selon la nature