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férant par l’essence de la représentation ordinaire. Il est d’autant plus étrange que dans la théorie des attributs il confond néanmoins le point de vue de la théorie de la connaissance avec le point de vue psycho-physique — d’un autre côté cette confusion ne se serait guère produite, s’il avait vu que les lois de l’association des idées ne sont pas en réalité suspendues par la pensée proprement dite. —

La façon dont Spinoza traite la psychologie des sentiments appartient à ce qu’il a fourni de plus excellent et, d’une manière générale, à ce qui a été fait de plus excellent en psychologie. D’abord il a le mérite d’avoir affirmé la nécessité et la légitimité d’un examen entièrement scientifique des sentiments et des passions de l’homme. Il ne prétend (comme savant), ni s’en moquer, ni en rire ou en pleurer, il veut chercher à les comprendre, et pour cela les considérer avec un esprit aussi calme que s’il avait affaire à des phénomènes de la nature matérielle ou à des figures géométriques. De plus il a dégagé les points de vue les plus importants que l’on ait lieu d’appliquer dans l’explication des sentiments.

En ce qui concerne la place et l’importance du sentiment dans la vie psychique, Spinoza a professé différentes manières de voir selon les degrés différents de son évolution philosophique. Dans son premier ouvrage, le Court traité (II, 16, 5), sa conception est absolument intellectualiste. La connaissance, les idées déterminent tous les faits de la vie psychique. La volonté n’est qu’une conséquence de l’idée, un maintien ou un rejet. En même temps les idées mêmes sont encore déterminées par l’action des objets, car il croit encore à l’action d’un attribut sur l’autre. Dans son ouvrage sur la philosophie de Descartes, il indique déjà que les idées mêmes sont des expressions de notre activité, en sorte qu’on ne peut distinguer entre la naissance des idées et leur maintien ou leur rejet. Et dans la théorie définitive des attributs, il développe encore cette indication, de manière à faire l’intelligence et la volonté complètement identiques. La pensée est une activité de l’esprit et toute activité de l’esprit est pensée : on pourrait à peu près exprimer en ces termes la conception actuelle de Spinoza ; elle est formulée au commencement de la 49e proposition dans le