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et nous ne sommes pas toujours maîtres de ce souvenir ! —

Tout en rejetant toute explication de phénomènes spirituels par des causes matérielles, Spinoza utilise cependant — ce qui est du reste entièrement légitime d’après ses hypothèses — le parallélisme du matériel et du spirituel pour éclairer les phénomènes spirituels là où ceux-ci ne peuvent se comprendre immédiatement. Toute sensation correspond à un état du corps. Cet état a à la vérité pour cause l’action d’autres corps, mais cette action est modifiée par la nature de notre propre corps : il s’ensuit que la sensation correspond non seulement à la nature des corps extérieurs, mais avant tout à la nature de notre propre corps. Néanmoins nous regardons involontairement toute sensation comme l’expression d’une réalité, jusqu’à ce que d’autres sensations ou représentations naissent en nous qui excluent la réalité supposée. D’après Spinoza notre conception de la réalité est ainsi éclairée et déterminée par le conflit intérieur des sensations et des représentations. — Les sensations produisent des images de ce qui a de l’analogie avec l’objet de la sensation ou qui s’est produit en même temps que celui-ci65. Les lois de l’association des idées sont pour Spinoza des lois naturelles de l’esprit, un pendant aux lois du mouvement dans l’attribut de la matière. Spinoza distingue nettement entre l’association des idées et la pensée proprement dite ; nous avons mentionné cette différence dans le chapitre sur sa théorie de la connaissance. La sensation et l’association des idées expriment l’état de l’homme comme membre de la chaîne de phénomènes dans la natura naturata infinie. On atteint les degrés supérieurs de la connaissance, la connaissance rationnelle et la science intuitive, en remontant à ce qui se manifeste en toutes choses sous la forme de loi générale et d’essence, c’est-à-dire à la substance infinie, et lorsqu’on voit comment tout est compris par elle, ou que l’on contemple tout sub specie se terni. — La psychologie de Hobbes a ici cet avantage sur celle de Spinoza, qu’elle démontre la possibilité pour la pensée proprement dite de se développer à partir de l’association involontaire des idées en se concentrant sur un but ou un objet. Spinoza pose encore à la façon des scolastiques la pensée véritable comme une activité tout à fait spéciale, dif-