Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La nature est animée à tous ses degrés. Cela découle aussi de la théorie des attributs ; chaque attribut exprimant la substance totale, à chaque forme d’un attribut doit correspondre une certaine forme d’un autre attribut. Aux divers degrés de l’individualité dans la nature matérielle correspondent donc divers degrés de la vie de l’âme dans la nature spirituelle. Le corps humain consiste en une quantité d’individus composés et de nature différente, de même la pensée qui fait la nature de l’esprit humain est aussi composée d’une quantité de pensées différentes. L’esprit et le corps sont une seule et même substance, ou plutôt une seule et même partie (modus) de la substance, et ce qui dans l’attribut de l’étendue se présente comme formes de mouvement plus ou moins complexes, se présente dans l’attribut de la pensée comme formes plus ou moins complexes de pensée. Quand je ressens un appétit ou que je prends une résolution, il se produit simultanément dans l’attribut de l’étendue une détermination corporelle conformément aux lois générales du mouvement et du repos ; par là je dois comprendre qu’à vrai dire il se passe une seule et même chose. Grâce à cette manière de voir, on évite, ainsi que le montre Spinoza, d’affirmer une action de l’âme sur le corps, ou inversement, hypothèse dont personne ne peut se faire une idée claire. Si l’on dit que l’âme met le corps en mouvement, cela veut dire proprement que l’on ne sait pas comment se forme ce mouvement. En même temps, cette manière de voir a l’avantage de ne pas imposer de limites arbitraires à l’activité de la nature matérielle. Jusqu’ici, personne n’a trouvé la borne de ce qui peut être produit par les lois propres à la nature matérielle, on n’a donc pas le droit d’invoquer l’intervention de l’âme, pour ce que le corps semble agir d’une façon miraculeuse. L’invocation de la « liberté » de la volonté ne sert non plus à rien. Cette prétendue « liberté » (la liberté réelle consiste d’après Spinoza à suivre la nécessité de sa propre nature) est une chimère qui tient à ce que l’on ne connaît pas les causes de ses propres actions. Le bavard croit agir librement en faisant marcher sa langue, tout comme la pierre croirait, si elle pouvait penser, qu’elle tombe à terre par sa « libre » volonté. Au surplus, la décision est dépendante du souvenir