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comme nous le verrons par la suite — il va même jusqu’à établir un concept de la perfection d’après lequel toute réalité n’est pas parfaite. — Ainsi le système spéculatif le plus hardi laisse lui-même suffisamment de questions sans réponse. La grandeur de Spinoza fut d’avoir développé résolument cette pensée, que l’existence doit être rationnelle ; il en conclut que son essence doit être l’identité, l’unité absolue. Logiquement il n’aurait dû avoir à vrai dire au lieu de plusieurs principes fondamentaux systématiques qu’un principe fondamental unique, la substance. Peut-être est-il possible de s’élever jusqu’à cette notion — mais une fois atteinte on ne peut plus en descendre. — Ces objections au système de Spinoza ne portent pas sur la tendance, sur le sens essentiel de sa pensée, mais elles sont en majeure partie suscitées par le procédé dogmatique qu’il emploie.

d) Philosophie de la religion.

Il est intéressant de s’arrêter un instant pour voir quels sont les rapports de la philosophie de Spinoza avec les idées religieuses ordinaires. En appelant l’idée suprême (la substance) Dieu, il provoqua lui-même cette comparaison. Nous trouvons déjà ce point discuté dans sa correspondance. L’occasion donnée, il écrit (Ep. 73) : « Je professe sur Dieu et sur la nature une opinion bien différente de celle que les chrétiens modernes ont coutume de soutenir. Je prétends que Dieu n’est pas la cause extérieure, mais (comme on dit) la cause immanente de toutes choses. C’est-à-dire, je prétends avec saint Paul que toutes choses vivent et se meuvent en Dieu. Mais lorsque quelques-uns déclarent que le « Traité théologico-politique » vise à démontrer que Dieu et la nature sont une seule et même chose, en entendant alors par nature une masse ou une matière corporelle, ils sont absolument dans l’erreur. » La philosophie de Spinoza se distingue de la conception théologique ordinaire surtout en deux points : elle ne conçoit pas Dieu et le monde comme deux êtres différents et n’attribue pas à Dieu des propriétés humaines. Dans les premiers temps on n’y allait pas par quatre chemins, on traitait sa conception d’athéiste et de matérialiste : Henri More dit par exemple dans un ouvrage par lequel il prétend réfuter « l’athéisme crasse » de Spinoza (atheismus