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expliquent les phénomènes particuliers. Par là il veut exprimer (nous pouvons le dire à notre point de vue) que l’enchaînement qui rend les choses intelligibles est une réalité aussi bien que les choses individuelles détachées en elles-mêmes, et même qu’étant éternel et embrassant tout, il mérite bien plutôt le nom de réalité que celles-ci. Mais en appelant les lois, ou l’enchaînement régi par des lois, des choses ou des êtres sans lesquels les phénomènes particuliers ne pourraient pas exister et ne seraient pas intelligibles, Spinoza nous donne l’origine et la signification de ce qu’il nomme substance dans son exposition déductive. Car par substance il entend ce qui existe en soi et pour soi et ce qui se comprend de soi-même, et ce par quoi tout existe et tout est intelligible. La substance de Spinoza, l’idée fondamentale de toute sa philosophie, est donc à vrai dire la causalité représentée sous les traits d’une chose ou d’un être. Car la causalité, le rapport de cause à effet, se comprend pour Spinoza d’elle-même et nous rend toute autre chose intelligible. Et le rapport de cause à effet étant la supposition nécessaire à la connaissance de l’existence réelle, qui se révèle à nous par l’expérience, nous voyons que toute la philosophie de Spinoza peut être appelée une construction des hypothèses valables pour toute expérience scientifique, ce qui fait que ces hypothèses deviennent identiques à l’essence la plus intime des choses. Mais la causalité, ou rapport de cause à effet, que Spinoza se représente comme une force réelle dont dépendent les choses individuelles et dans laquelle elles existent, correspond à son tour à la nécessité avec laquelle nous tirons des conclusions de prémisses données. En d’autres termes : Spinoza ne fait aucune différence entre raison et cause ; le rapport de causalité n’est pas pour lui un rapport dans le temps, où la cause précède et où l’effet suit, mais un rapport éternel et primitif ; le rapport entre « les choses fixes et éternelles » (ou « la première de toutes choses ») et les phénomènes individuels ne signifie pas que les premiers ont commencé par exister et que les autres sont nés ensuite comme effets. D’après Spinoza le rapport de temps disparaît pour la connaissance vraie. La connaissance rationnelle est, d’après lui, une perception des choses « sous le point de vue de l’éternité » (sub specie