Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

b) Théorie de la connaissance.

Si pour exposer le système de Spinoza on voulait suivre son Éthique, il faudrait commencer par certaines définitions et certains principes pour en faire dériver une série de théorèmes. Alors la question de savoir comment Spinoza parvint à ses définitions et à ses principes, qui sont la clef de tout le système, resterait sans réponse, et pourtant, c’est bien cette question qui historiquement a le plus d’intérêt. Si l’on commence, comme Spinoza a fait lui-même, par le terrain aride des définitions et des principes, on est tenté de supposer que ces premiers principes ont été posés tout à fait arbitrairement, comme le pensait Hobbes, ou alors qu’ils sont objet d’intuition immédiate. Ni l’un ni l’autre n’était dans l’idée de Spinoza. En suivant la mode du temps, qui demandait une forme rigoureusement déductive, il s’est exposé à ce que son système fût incompris. On voit au traité malheureusement inachevé De la Réforme de l’entendement qu’il avait consacré à la méthode scientifique une sérieuse réflexion et qu’il avait l’intention de composer une sorte de logique inductive. On peut dire en un certain sens que les principes sur lesquels Spinoza appuie l’exposition déductive de l’Éthique ont été obtenus par lui en recherchant et en construisant les hypothèses sur lesquelles repose notre connaissance empirique du monde.

Si par expérience on entend seulement la perception des choses telles qu’elles se présentent involontairement et par hasard à nous, elle ne nous donne pas de connaissance vraie. Elle se contente des données telles qu’elles s’offrent en un temps et en un lieu déterminés, et il se fixe alors une idée dans la conscience uniquement due à ce que jusqu’ici il ne s’est pas montré de faits contraires, sans que nous ayions la garantie qu’il n’existe pas de ces sortes de faits. Spinoza nomme cette sorte d’expérience experientia vaga ; elle correspond à l’inductio per enumerationem simplicem de Bacon. La connaissance vraie doit être une connaissance rationnelle, ne se contentant pas du phénomène donné isolé, elle voit dans celui-ci la conséquence d’une loi générale, la manifestation particulière d’un ordre universel des choses, qui s’étend bien au delà de ce phénomène. La