Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendances involontaires de la nature humaine, tandis que Hobbes avait pris pour base l’accommodation arbitraire de la volonté. Dès la naissance se produit un épanouissement des facultés et des formes humaines, un emploi involontaire des organes qui sont accompagnés d’une satisfaction immédiate. Les excitations des sens rencontrent une tendance involontaire à les admettre, à se tourner vers elles. C’est de cette façon que se font les premières expériences et que s’entreprennent les premières opérations de l’esprit, souvenir, comparaison, calcul. Dans cette tendance immédiate (impetus), qui n’est pas produite, mais seulement satisfaite par les excitations, on trouve le principe des vérités naturelles et intelligibles par elles-mêmes de la raison (naturalia rationis dictata). Et cette tendance directe est aussi au fond de la première aspiration, qui consiste à créer des biens et à éviter les maux, — sans que ces biens et ces maux de l’individu se trouvent séparés des biens et des maux communs : on reconnaît au contraire involontairement qu’un bien commun à tous les êtres raisonnables est supérieur au bien échu à l’être individuel. L’être individuel atteint précisément son propre bonheur en aspirant à ce qui est un bien pour l’ensemble auquel il appartient. La claire conscience et la volonté arbitraire ne peuvent que développer ce que les inclinations involontaires ont déjà fait naître ; l’art peut travailler sur le fond de la nature, mais il ne saurait le remplacer. — Cumberland accentue ainsi le rôle de l’instinct primitif, naturel, en opposition avec Hobbes qui construit la société à l’aide d’individus clairement conscients et autonomes. Il prétend d’un autre côté que la nature n’est pas seulement ce qui se fait sentir dans les premières manifestations de la vie, mais encore ce qui, la croissance faite et le développement accompli, apparaît comme un fruit mûr. Voilà pourquoi il ne faut pas chercher seulement la nature humaine dans les instincts élémentaires, mais également dans ce que présente le développement suprême de l’esprit. Alors même que dès le début l’homme restreindrait son intérêt à lui-même, il n’est pas pour cela contraire à sa nature d’attacher son intérêt à ce qui porte bonheur à tous. On ne renonce pas à l’état de nature en développant une générosité (generositas), pour laquelle le bien est ce qui favorise la conservation et la perfec-