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Dieu et l’âme individuelle, c’est que Dieu est illimité, et que l’âme est limitée. Dans ce mysticisme hardi More se montre influencé par la doctrine cabbalistique. Sa conception mystique de l’espace réapparaît chez Newton, qui en général subissait l’influence de More. — More se distingue de Descartes non seulement en concevant que toute substance est étendue, mais en comprenant l’activité dans l’idée de substance (concernant l’esprit, l’activité originale, concernant la matière, l’activité transmise). Par là il prépare (ainsi que Gassendi et Hobbes) le naturalisme de Leibniz. — Nous ne pouvons nous étendre plus longuement sur cette tendance qui est bien plutôt un mysticisme cultivé qu’une pensée philosophique nouvelle. Elle eut une grande importance pour le développement de l’esprit en Angleterre, mais elle n’a amené aucune pensée nouvelle à l’histoire de la philosophie.

À ce point de vue il s’attache un plus grand intérêt à un écrivain qui alla trouver Hobbes sur son propre terrain, dans l’examen du fondement psychologique de l’éthique et de la vie sociale. Richard Cumberland (né en 1632, étudia à Cambridge, mourut en 1718 évêque de Peterborough), publia en 1672 un ouvrage remarquable dans l’histoire de l’éthique : Recherche philosophique sur les lois naturelles (De legibus naturæ disquisitio philosophica) qui est expressément dirigé contre Hobbes. Il déclare qu’il veut continuer l’œuvre de Hugo Grotius en prenant une autre voie que le célèbre Hollandais. Au lieu d’examiner comment les lois morales naturelles se manifestent dans l’expérience et dans l’histoire, il prétend examiner leur origine et leurs causes. Pour faire cet examen il veut partir de l’expérience et conclure des causes toutes voisines aux causes éloignées. Il est certain, prétend-il, de remonter par cette voie à une source divine de ces lois, mais il ne veut pas appliquer la méthode commode des Platoniciens qui prouvaient cette haute origine directement par les idées innées : « Je n’ai pas eu le bonheur, dit-il, d’acquérir aussi commodément la connaissance des lois naturelles. » En tous cas il ne veut pas édifier son éthique sur une pareille hypothèse, bien qu’il reconnaisse la saine et bonne influence de « nos Platoniciens » en matière de morale. À l’encontre de Hobbes il renvoie au contraire aux