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et qui se poursuit sur cette base au moyen de la méthode inductive ou déductive, il y a une autre tendance qui historiquement remonte au Néo-Platonisme, et qui croit à l’existence, au delà de toute expérience, d’une source des idées les plus élevées, et surtout des idées éthiques. À cette tendance appartient Robert Greville, Lord Brooke, qui tomba dans sa trente-cinquième année à Lichfield (1643) en combattant pour la cause du Parlement. Dans son ouvrage de La nature de la vérité, qui parut deux ans avant sa mort et qui lui avait peut-être été inspiré par l’ouvrage de Lord Herbert, il proteste contre cette idée que la connaissance n’est qu’une faculté humaine vide en soi, qui devrait commencer par chercher son contenu : la lumière seule est sensible à la lumière, et la connaissance est précisément un rayon de la nature divine. La vraie connaissance nous élève au-dessus de la sensibilité, le système de Copernic en est un exemple. Toute multiplicité, toutes relations d’espace et de temps ne sont qu’apparence ; la pensée trouve le repos seulement dans la connaissance de l’unique Cause de toutes choses. La connaissance de l’unité de toutes choses en Dieu délivre de l’envie, m’enseigne que le bonheur d’autrui est mon propre bien, dissipe les ténèbres de l’âme et guérit toute douleur. L’expérience par contre ne peut nous manifester des causes réelles ; elle peut seulement nous montrer qu’un phénomène en précède un autre55.

La tendance platonicienne, qui était celle de lord Brooke, trouva vers le milieu du siècle un asile dans l’Université de Cambridge, tandis qu’Oxford restait fidèle à la scolastique. Un an après le Leviathan parut (1652) le Traité de la lumière de la nature de Nathaniel Culverwel. Culverwel était mort en 1651, il était Master of arts et Fellow à Cambridge. Son ouvrage est de tendance platonicienne, ainsi que celui de Brooke, sans être toutefois aussi mystique et en attachant une plus grande importance à l’expérience psychologique. Mais dans le domaine pratique et théorique il croit à des vérités éternelles et universelles. Ces vérités ne font qu’un avec l’essence de Dieu et sont appliquées dans le monde par la volonté de Dieu. La philosophie et la théologie reviennent donc pour lui comme pour Brooke au même, tandis que Bacon et Hobbes les séparent