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seulement d’observer les commandements pour la forme, il faut encore s’en pénétrer et les adopter pour eux-mêmes. La loi morale naturelle engage l’individu devant le tribunal de sa conscience (in foro conscientiæ). — Sans contredit Hobbes n’a pas remarqué ici à quel point il idéalise. Si l’instinct de conservation personnelle dans sa forme élémentaire est toujours l’unique mobile, la conscience, telle que Hobbes se la représente c’est-à-dire un sentiment ou une volonté qui observe pour elles-mêmes les conditions nécessaires à la paix, devient impossible. Il lui arrive ici ce qui lui arrive quand il fait du désir de s’instruire un plaisir immédiat ; il ne peut non plus se dériver de l’instinct de conservation personnelle. Hobbes n’a pas l’idée de déplacer le mobile, ce qui lui permettrait d’ériger en fin ce qui était au début le moyen. Cette métamorphose est très possible à partir de l’instinct de conservation : peut-être fait-on le meilleur usage des moyens, quand justement on ne les emploie pas comme moyens !

Que l’individu reconnaisse la loi naturelle devant le tribunal de sa conscience, cela n’a que fort peu d’utilité. Il faut trouver une autorité devant laquelle tous s’inclinent. Il faut que l’individu transfère son droit naturel à cette autorité, à condition que tous les autres transfèrent également le leur à cette même autorité, et alors ce pouvoir, le pouvoir politique, concentrera en lui tous les droits qui à l’état de nature étaient répartis dans la multitude. Ce contrat au moyen duquel la vie politique remplace l’état de nature est une convention entre les individus ; en même temps il implique la reconnaissance d’un pouvoir suprême (soit une personne seule, soit une assemblée de plusieurs personnes). Par là la théorie de Hobbes se distingue de celle d’Athusius, qui séparait le contrat social de la constitution du pouvoir ; chez Hobbes ils coïncident tous deux. Mais Hobbes ne croit pas, pas plus que les théoriciens antérieurs du droit de nature que ce contrat ait été fait avec une conscience pleine et entière ; il peut avoir été tacitement sous-entendu ou supposé (a supposed covenant, pactum subauditum), il n’a pas besoin d’être formel (pactum expressum). On a des exemples de contrats tacites dans les rapports entre le vainqueur et le vaincu auquel on accorde la vie : si le premier ne comptait pas