Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapport nécessaire avec l’instinct de conservation personnelle. Les devoirs et les vertus découlent tous de ce seul principe, qu’il faut faire la paix ; ils sont les moyens d’arriver à la paix. Voilà pourquoi la loi morale naturelle est aussi la volonté de Dieu ; la raison a été accordée par Dieu, et le Christ, les apôtres et les prophètes proclament les commandements qui dérivent de la droite raison.

Il n’est pas impossible que Hobbes ait subi dans cet ordre d’idées l’influence de Herbert de Cherbury, pour lequel l’importance de la loi naturelle était d’empêcher la destruction mutuelle et qui voyait dans l’exact établissement des « idées communes » un moyen de faire régner la paix. On sait par la biographie de Hobbes (vitæ Hobbianæ Auctarium) que Hobbes tenait personnellement de près à Lord Herbert. —

En faisant appel à la droite raison, Hobbes a pleinement conscience de ne pas croire avec Platon et les Scolastiques à un pouvoir mystique particulier, capable de donner un patron commun dans toutes les décisions où il s’agit de discerner ce qui est bon de ce qui est mauvais. Il repousse formellement (Elements of Law, II, 10, 8) l’idée qu’il puisse y avoir une recta ratio parfaite dans le monde. Il n’y a de constant que le but auquel aspirent tous les êtres vivants, et si la raison s’éveille au jour elle trouvera aussi les moyens d’atteindre ce but. Voilà pourquoi il n’est guère exact de voir avec Tönnies dans l’emploi que fait Hobbes de la notion de recta ratio un effet de la Scolastique. Hobbes donne pour base et pour fond à la raison la conservation personnelle et ses moyens, et il voit nettement que la raison agit seulement quand l’âme est reposée (De cive, III, 26 : sedato animo). Il part de cet état d’âme au repos pour établir les hypothèses de son éthique et de sa politique. L’expérience lui a appris qu’il ne peut être question de lois éthiques des actions humaines que lorsque l’instinct de conservation personnelle s’allie au calme de l’âme, qui permet la réflexion. Il est donc nécessaire d’idéaliser les données de l’expérience, car il faut écarter aussi bien l’excitation de la passion que l’étroitesse de vues et l’inconséquence, pour que la raison soit « droite ». En même temps les exigences idéales et logiques de la paix doivent être observées par une volonté constante. Il ne s’agit pas