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réciproques des États, L’état de nature, c’est-à-dire l’état de l’homme tel qu’on le trouve, abstraction faite de la vie politique, c’est une guerre de tous contre tous (bellum onnium contra omnes). Il n’y a d’autre règle ici que le besoin et la puissance de l’individu. Quand la force est médiocre, elle est suppléée par la ruse. — Ce n’est pas à dire que tous les hommes soient mauvais par nature. La nature humaine en elle-même n’est pas mauvaise ; mais elle peut engendrer des actions pernicieuses. Et alors même qu’il y aurait moins d’hommes mauvais que de bons, ceux-ci devraient cependant prendre des mesures de sûreté contre les premiers.

Il n’y aurait pas d’issue à cette situation dangereuse, si la raison, aussi bien que la passion, n’avait sa racine dans la nature humaine. La droite raison porte les hommes à chercher de meilleurs moyens de conservation que ceux qu’ils peuvent trouver quand chacun lutte pour son compte. Ils découvrent que le mal est général et qu’il peut se combattre par des moyens généraux. Ainsi naît la première et la plus fondamentale loi morale naturelle : la paix doit être recherchée, et si on ne peut y arriver, il faut rechercher des secours pour faire la guerre ! Mais la condition, c’est que chacun renonce en particulier au droit absolu qu’il possède à l’état de nature. L’instinct de conservation personnelle dicte cette renonciation. Il s’ensuit en outre que la fidélité, la reconnaissance, la complaisance, l’indulgence, et l’équité doivent être pratiquées et qu’il faut éviter l’orgueil et la présomption ; ce qui ne peut être partagé doit être utilisé en commun ; les dissensions intestines doivent être réglées par des arbitres, chacun doit en particulier conserver intactes ses facultés intellectuelles (car autrement la droite raison et ses commandements ne peuvent régner). Toutes ces conséquences peuvent se résumer dans le vieux dicton : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. Si l’on venait à dire que ces commandements de la raison ne peuvent avoir aucun pouvoir sur les passions, Hobbes accorde que la crainte et l’espérance, la colère et l’ambition, l’avidité et la vanité peuvent, à la vérité, empêcher de les reconnaître ; mais il n’y a personne qui ne trouve parfois le repos de l’âme (sedatus animus) et alors il comprendra leur