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gique immédiate. Mais il ne s’est pas engagé du tout sur la voie déductive ; cela tient à ce que ses écrits éthico-politiques ont été composés avant ses écrits de philosophie naturelle. Il n’essaie pas de faire dériver l’instinct de conservation de la mécanique ; il ne voit pas dans la conservation de soi la tendance générale de tout ce qui existe, comme avant lui Telesio et Bruno, et après lui Spinoza. Il se contente de l’établir comme fait positif. Il y a cependant une troisième voie qui d’après Hobbes permet d’aborder l’éthique et la politique : la définition arbitraire, l’établissement arbitraire des premiers principes. En éthique et en politique nous avons affaire à notre propre vie ; son estimation et son ordonnance dépendent de notre volonté. Voilà pourquoi l’éthique et la politique peuvent, d’après Hobbes, être des sciences constructives au même titre que la géométrie et la mécanique. Toutes les lois morales et politiques supposent en effet un contrat passé volontairement entre les hommes et qui a pour but de rendre une vie sociale possible à de certaines conditions. De ce contrat on peut déduire les différentes règles morales et politiques. Mais, comme pour les hypothèses scientifiques générales, ici encore il importe essentiellement pour établir les principes de tenir compte de l’expérience ; la volonté n’est nullement dénuée de motifs. Au contraire, ce n’est pas la partie la moins intéressante de la théorie éthico-politique de Hobbes que celle où il cherche à montrer comment les hommes sont amenés à créer une vie sociale.

L’expérience de l’affreuse misère et du danger les y porta. Il est faux de croire (avec Aristote et Grotius) qu’à l’origine l’homme ressent l’instinct et le besoin d’une vie sociale. Au contraire. Par le besoin et le sentiment de puissance qui portent chacun en particulier à s’approprier le plus possible de ce qu’offre la nature, l’individu se trouvera en conflit avec les autres, qui ont même besoin et même sentiment de puissance. Peut-être même la peur sera-t-elle pour eux une raison de chercher à se prévenir en violences pour ne pas être eux-mêmes surpris. Ce que nous savons de nos ancêtres barbares et des sauvages, montre qu’il en est ainsi ; on peut le voir encore aux mesures de sûreté que nous prenons tous, et aux relations