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de noms. Il cherche à faire de toute pensée une sorte d’algèbre de noms. Un jugement exprime par exemple qu’un nom désigne la même chose qu’un autre nom. Hobbes n’ayant pas vu l’importance de l’analogie pour l’association involontaire des idées, il s’en tint logiquement à cette conception extrêmement superficielle de la pensée, qui concorde en même temps à merveille avec sa tendance déductive. —

Le plaisir et la douleur sont, nous l’avons vu, étroitement liés au processus vital, qu’ils facilitent ou qu’ils ralentissent. L’instinct de conservation est l’instinct fondamental de l’homme. Le plaisir et la douleur naissent de la satisfaction momentanée de cet instinct. Quand l’homme a fait des expériences et qu’il a la faculté de se faire des idées de l’avenir, alors naissent les sentiments complexes. Ils peuvent, d’après Hobbes, se ramener au sentiment de la puissance ou de l’impuissance. Si j’éprouve du plaisir à l’idée de quelque chose qui peut à l’avenir me causer du plaisir, cela suppose que j’ai la faculté de me le procurer. Ce pouvoir peut être soit ma propre force intellectuelle ou physique, soit la puissance de mes amis, sur l’assistance desquels je compte, soit une autorité dont je me sais protégé ; peut-être aussi Dieu le tout-puissant dispose-t-il seul de la puissance qui me permet d’éprouver du plaisir à l’idée de l’avenir. Le sentiment de douleur tient par contre à l’idée de l’impuissance où l’on est d’acquérir des biens futurs ou de prévenir des maux futurs. Tous les hommes aspirent continuellement et sans relâche à la puissance, et la mort seule vient mettre un terme à ces aspirations. Ce n’est pas toujours à dire qu’on attende une joie plus grande que celle que l’on possède ; mais ce que l’on a, on veut se l’assurer de plus en plus. Les divers sentiments naissent au cours de la lutte ou de l’émulation qui existe entre les hommes. L’allégresse naît en ceux qui depassent les autres, l’humilité en ceux qui restent en arrière, l’espérance quand on marche bien, le désespoir quand on est fatigué, la colère quand on aperçoit un obstacle inattendu, la fierté quand on surmonte un fort obstacle, les larmes quand on fait une chute soudaine, le rire quand on en voit d’autres tomber, la compassion quand nous voyons rester en arrière quelqu’un à qui nous voulons du bien, l’indignation