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duisait un éclair dans les sens (phantasma), il disparaîtrait aussitôt, s’il n’y avait un pouvoir pour le fixer et pour le reproduire, et il ne se formerait pas de sensation réelle (sensio). Pour avoir une sensation proprement dite, il faut porter sur les objets un jugement qui s’appuie sur une comparaison des excitations des sens. (Nam per sensionem vulgo intelligimus aliquam de objectis per phantasmata judicationem, phantasmata scilicet comparando et distinguendo.) La sensation suppose donc le souvenir et la comparaison. Les sensations prises une à une doivent pouvoir se séparer. Aussi faut-il que les excitations varient pour qu’il y ait sensation. Dans une excitation absolument uniforme toute sensation disparaît. Je n’ai aucune sensation des os de mes bras, bien qu’ils soient entourés de pellicules très sensibles, de même un homme qui regarderait fixement et sans bouger une seule et même chose invariable n’aurait pas de sensation. Éprouver toujours la même chose et n’éprouver rien du tout, c’est la même chose. — Ce fut là, ainsi que nous l’avons vu, le point de départ de toute la philosophie de Hobbes : sans modification il n’y aurait pas de sensation. Ce principe, que toute modification est mouvement, le fit ensuite aboutir à sa philosophie du mouvement ; mais il lui est alors difficile de retourner à la sensation ; ce qu’il ne remarque pas, il est vrai. Rien d’étonnant à le voir souligner si fortement que le fait de percevoir quelque chose (ou que quelque chose puisse être pour nous phénomène), est précisément le plus remarquable de tous les phénomènes ; c’est là le pivot de toute sa philosophie, en tant qu’elle construit soit les causes de la sensation, soit les effets de la sensation. —

Comme plusieurs excitations sensibles différentes s’effacent, ainsi les images du souvenir, qui ne sont pas autre chose que les sensations affaiblies par l’éloignement des objets, sont encore davantage atténuées par les nouvelles excitations des sens qui surviennent. Dans le rêve, où il n’y a pas de ces excitations nouvelles, les images du souvenir apparaissent comme l’expression du présent, souvent aussi elles empruntent des traits et des qualités à d’autres représentations. — Les images du souvenir se forment d’après certaines lois. Elles se succèdent dans le même ordre que les perceptions sensibles primi-