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Cela vaut toujours la peine de couler une œuvre d’un seul jet.

Pour la physique de Hobbes en particulier, nous nous bornerons à faire remarquer qu’à l’exemple de Descartes il ne croit pas à l’existence d’un espace vide, et qu’il admet que les plus petites molécules solides se meuvent dans un fluide éthéré. Comme pour Gassendi, le mouvement ne disparaît pas pour lui en passant au repos. Il se figure l’espace et le temps composés de petites parties dont chacune est à elle seule plus petite que toutes les parties que l’expérience peut nous offrir (minus quam datur) ; dans ces parties imperceptibles de l’espace et du temps il y a également du mouvement, mais seulement sous forme de tendance au mouvement (conatus, endeavour). Et cette tendance au mouvement ne disparaît pas quand elle est contrebalancée par une tendance au mouvement égale, mais inverse ; elle devient alors tension (nixus). Ces idées (posées dans le De corp., 15, 2 ; 22, 1) permettent à Hobbes qui (comme Gassendi avec ses idées correspondantes) subit ici l’influence de Galilée, d’affirmer d’une façon plus parfaite que Descartes la continuité du mouvement.

d) Limites de la connaissance. — Foi et science.

Toutes les idées que nous pouvons former sont d’après Hobbes finies et bornées. Voilà pourquoi la science de l’infini est impossible. Lorsqu’on entend les mots « éternel et infini » dit Hobbes, on doit s’attendre à des absurdités. « Infini » ne peut s’employer qu’au sens négatif de ce que nous ne pouvons limiter. Ce mot ne désigne pas quelque chose situé dans la chose même, mais une impuissance (impotentia) de notre esprit. Ce terme exprime les bornes de notre propre nature et non une propriété positive quelconque d’un être. L’infini était au contraire pour Descartes l’idée positive : le fini naissait de la limitation de l’infini. Les conceptions différentes de la vie chez ces deux penseurs s’expriment dans cette opposition.

La science du monde considérée dans son ensemble est aussi impossible que la science de l’infini. Sur le monde dans son ensemble, notre science se borne à soulever quelques questions, et l’on ne peut répondre à aucune. La science ne peut rien dire sur la grandeur, la durée ou l’origine du monde,