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Aussi voyons-nous Hobbes, après avoir souligné fortement le problème contenu dans ce fait même que quelque chose devient pour nous un fait, passer avec un calme parfait à la question de savoir d’où vient la sensation, principe de toute connaissance, et donner à cette question une réponse conforme à son premier principe. Tout changement étant mouvement, la sensation qui naît d’un changement, doit également être mouvement. La sensation, dit-il, n’est pas autre chose qu’un mouvement dans les molécules du corps sensible (De corp., cap. 25. 2, cf. Leviathan, cap. 6). Et ce qu’il dit ici de la sensation, il le soutient dans les objections qu’il fait à Descartes à propos de la conscience en général (mens nihil aliud erit praeterquam motus in partibus quibusdam corporis organici). Par conséquent la psychologie fait pour Hobbes partie intégrante de la science du mouvement. Et là même où il distingue entre le mouvement lui-même et son apparition, par exemple quand il essaie de démontrer la subjectivité des qualités sensibles, il ne manque pas d’affirmer que ce qui existe réellement, lorsque nous avons des sensations ou des sentiments, c’est le mouvement seul. Le plaisir par exemple n’est rien autre qu’un certain mouvement dans le cœur (pleasure is nothing really but motion about the heart, Elements of Law, VII, 1). Le phénomène, la perception, le sentiment, la conscience, ne sont pour Hobbes, où il s’exprime selon la stricte méthode déductive, qu’une apparence (nothing really, Elements of Law, I, 2, 5). — Mais il faut ajouter une apparence qui soulève un grand problème : le mouvement peut en effet d’après Hobbes produire le mouvement seul ; c’est donc un miracle inexplicable qu’en de certains points, en plus du mouvement naisse aussi l’apparence, l’ « apparition », que nous appelons conscience. C’est la grande importance de Hobbes d’avoir aussi clairement montré les limites des hypothèses matérialistes. L’énergie de sa pensée déductive lui fit découvrir ici le point critique. Aucun essai matérialiste n’a été postérieurement exécuté avec autant de clarté et d’impartialité que le sien. Il a ainsi apporté une contribution de valeur durable à l’examen de la question de savoir quelle place prennent les phénomènes psychiques dans l’existence.