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les principes premiers du raisonnement sont établis eux-mêmes par un raisonnement, étant établis au moyen de l’analyse ! il se révèle ainsi que l’établissement des principes est chose plus compliquée que la théorie de l’arbitraire absolu ne le croit.

Hobbes a encore réduit d’une autre façon la part de l’arbitraire dans l’établissement des principes ou dans la dénomination. C’est ainsi qu’à une seule et même chose on ne peut donner deux noms contradictoires. Hobbes dit de ce principe (De corp., cap. 2, 8) qu’il est le principe de tout raisonnement, c’est-à-dire de toute science. Cependant il n’est pas établi arbitrairement ; il réduit justement l’arbitraire : si je donne un nom à une chose, je ne puis ajouter un nom quelconque. Et cette règle est vraie encore partout où nous construisons : le premier pas seul peut être purement arbitraire, le premier pas détermine les suivants. — Abstraction faite de l’hésitation et du caractère exclusif des vues qui se montrent ici chez Hobbes, il a le grand mérite d’avoir fortement souligné l’élément actif et constructif de la connaissance. Cet élément ne paraissait suffisamment ni chez Descartes ni chez Bacon, et le point décisif où de l’induction et de l’analyse on tourne à la pensée déductive n’étaient pas pour cette raison mis assez en lumière par eux.

Une fois parvenus par la voie de l’analyse aux principes premiers, il s’agit d’en déduire les phénomènes. Hobbes pose en principe universel qu’il n’y a qu’une seule cause aux propriétés offertes par les phénomènes, à savoir le mouvement. Cette affirmation n’a pas besoin d’être prouvée, déclare-t-il ; elle doit être reconnue de tous ceux qui l’approfondissent sans parti pris (De corp., cap. 6, 5). Au principe, que tout changement est mouvement s’ajoutent une série d’autres principes que Hobbes pose en passant, sans examiner les rapports qu’ils ont entre eux ou avec le principe posé au début. Par exemple le principe universel de causalité (qui est posé dans l’ouvrage sur la liberté et la nécessité), le principe d’inertie, le principe que la cause du mouvement doit toujours être dans le mouvement d’un corps en contact, et le principe de la conservation de la matière. Dans un passage Hobbes prouve cependant le principe que tout changement est mouvement, au