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qu’un désirerait-il une autre définition ; c’est son affaire. La définition est une chose libre et arbitraire, elle n’est que l’explication de ce qu’un nom doit signifier et l’emploi des mots est arbitraire. La science commence par la définition des idées fondamentales. On acquiert ces idées par l’analyse (resolutio) des données sensibles (a sensibus ad inventionem principiorum). La valeur des principes, des idées fondamentales ne peut être elle-même objet de démonstration, mais seulement de définition. Ces principes sont connus en soi, sans quoi ils ne seraient pas des principes. Étant fixés par une dénomination arbitraire, ils sont créés par nous-mêmes. C’est l’art ou la construction, mais non la science, qui fixe les principes : ici nous produisons nous-mêmes la vérité : ratiocinationis prima principia, nempe definitiones, vera esse facimus nosmet ipsi per consensionem circa rerum appellationes (De corpore, cap. 25, I, cf., cap. 3, 8-9).

Ce n’est que dans le De corpore que Hobbes souligne fortement l’arbitraire absolu avec lequel nous posons les premières hypothèses ; dans les Elements of Law ce relief n’est pas aussi accusé. Il est dû aux progrès dans l’emploi de la méthode déductive : si toute science vraie est déduction, les hypothèses de la déduction, qui ne peuvent elles-mêmes être déduites, restent purement arbitraires. Mais alors on ne comprend pas ce qu’il entend par cette expression que les principes doivent être « connus en soi » (per se nota), si cela doit signifier autre chose et plus que ce que nous savons par le sens des mots employés. Et même cette conscience immédiate est alors une hypothèse qu’à vrai dire il faudrait établir à son tour. C’est une sorte d’intuition ou comme Hobbes lui-même l’appelle quelque part51 : une réflexion. Et encore, Hobbes déclare que nous parvenons aux principes par la décomposition ou analyse (resolutio, analysis) des données ; mais alors le choix des principes que nous posons n’est pas absolument arbitraire et dans leur établissement il y a plus que la dénomination pure et simple. Hobbes va même jusqu’à dire en propres termes que l’analyse est un raisonnement qui va du donné aux principes ou définitions (analysis est ratiocinatio a supposito ad principia, id est, ad definitiones. De corp., cap. 20, 6) : ainsi