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amères sans les mâcher. Hobbes conserva la vigueur du corps et de l’esprit jusqu’à un âge avancé et mourut à l’âge de quatre-vingt-onze ans (1679).

Hobbes est un penseur pénétrant et énergique. Son essai pour faire de la connaissance scientifique la base de toute notre science de l’existence est le mieux étudié de tous les essais analogues des temps modernes. Le système édifié par lui est le système matérialiste le plus profond de cette même période. En outre les ouvrages de Hobbes, qui se distinguent par la vigueur et la clarté de l’exposition, renferment une foule de remarques intéressantes au point de vue logique et psychologique. On peut voir en lui le fondateur de la psychologie anglaise et par suite le fondateur de l’école de philosophie anglaise proprement dite. Cependant ce furent surtout ses vues éthiques et politiques qui prirent une importance positive. Par son naturalisme vigoureux, bien qu’exclusif et agressif, il mit en mouvement les pensées des hommes. Dans le domaine de la science de l’esprit il fit rompre avec la scolastique, comme Copernic dans le domaine de l’astronomie, Galilée dans celui de la physique et Harvey dans celui de la physiologie. Hobbes se place, avec une fierté bien justifiée, à côté de ces hommes comme fondateur de la sociologie : ainsi qu’il le dit dans l’avant-propos de son ouvrage De corpore, cette science n’est pas antérieure à son livre du De cive. La conception naturaliste qu’il donna du fondement de l’éthique et de la politique provoqua un mouvement que l’on a justement comparé à celui produit par Darwin au xixe siècle.

b) Premières hypothèses.

Pour Hobbes, la science est en opposition, partie avec la perception sensible et la mémoire, partie avec la théologie. Elle ne s’en tient pas comme la sensation et la mémoire aux phénomènes isolés ; elle cherche à les connaître dans leurs causes ; elle va tantôt de la cause à l’effet, tantôt de l’effet à la cause. Il s’ensuit que la science ne porte que sur ce qui a une origine ; par là est exclue la théologie, c’est-à-dire la science du Dieu éternel qui n’a pas de commencement. — C’est ainsi du moins que je définis la science, dit Hobbes. Peut-être quel-