Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eut pour conséquence de faire perdre à Hobbes sa place de professeur de mathématiques auprès du jeune roi Charles II et de lui faire interdire l’accès de la Cour. Il régnait maintenant un plus grand calme en Angleterre ; le pouvoir politique s’était reconstitué, solide et réglé ; il y avait un nouvel exécuteur de la souveraineté, et Hobbes crut que le plus sûr était pour lui de retourner chez lui. Après un pénible voyage accompli en hiver, il revint en Angleterre à la fin de 1651 et dès lors il profita de l’entière liberté de presse pour éditer en paix ses œuvres, ce qu’il n’avait jamais perdu de vue. En 1655 parut l’ouvrage De corpore, qui comprend la logique, la théorie des principes fondamentaux (philosophia prima), la théorie des mouvements et des grandeurs et la théorie des phénomènes physiques ; en 1658 parut l’ouvrage De homine, qui est en majeure partie une optique (pour mettre en lumière la nature du sens de la vue), et qui ne contient en outre qu’un court aperçu de la psychologie du langage et des sentiments. Cette deuxième partie du système ne peut se comparer ni pour le fond ni pour la forme avec la première partie des Elements of Law ou avec les chapitres initiaux du Leviathan. La troisième partie du système était formée par l’ouvrage précédemment paru du De cive ; le système entier était donc achevé. Alors vint la Restauration, que Hobbes salua avec joie. Il gagna la faveur de son ancien élève Charles II, qui s’entretenait souvent avec lui. Il vivait dans la famille Cavendish en vieil étudiant, s’occupant avec ardeur de ses polémiques mathématiques et théologiques. Son antihiérarchisme fut transformé en athéisme, et un partisan de Hobbes ou un libre penseur, c’était la même chose. Il avait attribué au pouvoir politique le droit exclusif de définir ce qui doit être enseigné ; mais cela ne l’empêcha pas d’interpréter la Bible dans un sens critique et rationaliste. À ses yeux la croyance primitive du christianisme, c’était que Jésus était le Messie, mais ce n’était nullement une doctrine spéculative. Il rejetait les peines éternelles de l’enfer. Il ne croyait pas aux esprits immatériels. Il avait coutume d’invoquer l’impossibilité où nous sommes de comprendre les dogmes de la foi, et de donner le conseil de les admettre sans réfléchir, comme le meilleur est d’avaler toutes rondes des pilules