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vis de l’opposition, si le roi n’avait dissous le Parlement. Devant les troubles grandissants et la rigueur avec laquelle le nouveau Parlement procédait contre les partisans du roi, Hobbes s’enfuit en France (fin 1640), afin de pouvoir poursuivre ses études en paix. Mais la gravité du moment ne lui permit pas de détourner sa pensée des problèmes politiques, et il transforma la dernière partie des Elements of Law en un ouvrage indépendant De cive, qui parut en 1642 en petite édition et en 1647 en une plus grande édition. Cet ouvrage devait former la troisième partie du système tout entier. Il se distingue du premier traité en ce qu’il accuse bien plus fortement l’opposition entre l’état de nature et la vie politique et en ce qu’il insiste sur la nécessité de laisser au pouvoir politique le droit absolu de régler les questions de religion. Hobbes était par principe ennemi de toute hiérarchie, de la hiérarchie protestante comme de la hiérarchie catholique. Cela rendait son séjour en pays catholique et au milieu de royalistes cléricaux proscrits peu sûr. Il se produisit une rupture formelle lorsqu’il abandonna une fois de plus ses études de philosophie naturelle pour composer un ouvrage politique. Ce fut le célèbre ouvrage intitulé Leviathan or the Matter, Form and Power of a Commonwealth ecclesiastica and civil, qui parut à Londres en 1651. Il était intitulé d’après l’énorme monstre marin mentionné en ces termes dans le livre de Job : « Personne sur terre ne saurait l’égaler, il est fait pour être sans peur. » Hobbes compare le pouvoir absolu à cet être puissant. Il développe les dernières conséquences de la théorie de la souveraineté fondée par Bodin et Althusius — mais il lui donne une base naturaliste et un esprit antihiérarchique. Comme il ne défendait pas spécialement l’absolutisme du pouvoir royal, mais celui du pouvoir politique, on prétendit (sûrement à tort) que par cet ouvrage il voulait s’attirer la faveur de Cromwell. Et les royalistes épiscopaux étaient indignés du passage suivant (contenu dans un chapitre final qui fut retranché dans l’édition latine de 1670) : de même qu’Elisabeth a renversé la hiérarchie catholique, de même les Presbytériens ont renversé les Episcopaux pour être à leur tour renversés par les Indépendants — « et ainsi nous sommes ramenés à l’indépendance (independency) des premiers chrétiens ». Cela