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rience du monde ; il cultivait avec ardeur la littérature, de préférence les historiens et les poètes classiques. Il suivait d’un œil attentif les événements de sa patrie et une traduction de Thucydide, qu’il publia en 1629, n’a probablement pas été composée sans allusion aux nuages politiques qui, dès les premières années de Charles Ier, menaçaient à l’horizon. Pendant un certain temps, ses goûts prirent cependant une tout autre direction. Par un effet du hasard, il trouva une géométrie d’Euclide et il découvrit du même coup qu’il y avait une science strictement déductive. Il n’en avait encore eu la moindre idée, car les mathématiques ne faisaient pas encore partie en Angleterre des matières d’enseignement fixées au programme. On allait même jusqu’à les regarder comme une invention diabolique. Il avait maintenant un modèle pour sa pensée. Mais les mathématiques n’étaient pas sa spécialité. Les essais qu’il fit plus tard en ce sens furent extrêmement malheureux et l’impliquèrent dans de longues controverses littéraires où il eut définitivement le dessous. Mais le fondement de sa tendance philosophique était établi. La grande importance qu’il attache à la pensée déductive le rapproche de Descartes, tandis qu’elle le met catégoriquement en opposition avec Bacon, avec lequel il avait entretenu des relations d’amitié. Il avait en effet été son secrétaire pendant ses dernières années et l’avait aidé à traduire ses œuvres en latin. De Bacon il n’a reçu aucune impulsion décisive en philosophie. Peut-être pourrait-on montrer à de certains passages que, lorsque sa pensée philosophique eût été mise en mouvement par d’autres impulsions, il a admis et combiné dans son système des idées de Bacon. D’après la relation de son premier biographe, il trouva le problème qui mit sa pensée en mouvement dans un entretien qui eut probablement lieu dans un cercle scientifique de Paris et où la question de la nature de la perception sensible fut incidemment soulevée. Cette question étant restée sans réponse, Hobbes se mit à y réfléchir. Il lui parut alors évident que si les choses matérielles et toutes leurs parties étaient toujours au repos ou avaient un mouvement régulier, toute différence (discrimen) disparaîtrait entre les choses, et par conséquent toute perception sensible. Il en conclut que le changement