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ment passe au repos. Ces corrections apportées à la nouvelle conception mécanique de la nature dénotent un progrès considérable. Gassendi fait penser par contre aux devanciers de Descartes et de Galilée, en particulier à Telesio, quand il admet que tous les atomes possèdent la sensation et qu’il utilise cette opinion ainsi que l’idée d’une âme universelle dans sa physique. Il donne le jour à un être hybride de ce genre en essayant de concilier les idées spiritualistes avec les théories atomique et mécanique : les atomes sont créés par Dieu ; Dieu et l’âme ou le côté de l’âme surnaturellement inspiré (anima rationalis ou intellectus) font exception au principe que toutes causes sont matérielles. Ce compromis était encore plus illogique que celui de Descartes, car l’âme était elle-même scindée en deux parties, une partie matérielle et une partie immatérielle. Cela avait en revanche cet avantage que le monde des savants, et notamment le monde des théologiens, s’accoutumaient à ne plus considérer l’atomisme comme une doctrine absolument impie. Désormais la science de la nature pouvait en paix utiliser l’hypothèse atomique selon ses besoins.

4. — Thomas Hobbes.

a) Biographie et caractéristique.

Lorsqu’en 1588 l’invincible Armada était sur le point de tirer au large pour attaquer l’Angleterre, les épouvantables bruits de guerre firent que l’épouse du pasteur de Malmesbury accoucha avant terme d’un petit garçon. Elle enfanta, dit plus tard Hobbes dans une autobiographie rimée, deux jumeaux, moi et la peur. Il en faisait dériver son tempérament craintif et pacifique, qui n’excluait pas toutefois — comme sa vie le montre — l’énergie de la pensée et le goût de la polémique littéraire. L’enfant reçut sa première instruction dans sa ville natale ; à l’âge de quinze ans, il alla à Oxford, où il apprit la logique scolastique et la physique, qui l’intéressaient très peu. Il quitta de bonne heure l’Université pour être le précepteur d’un jeune gentilhomme de la famille Cavendish. Il resta en relations avec cette famille pendant toute sa vie. À cause de sa position il fit des voyages répétés dans les pays d’Europe. Il acquit ainsi l’expé-