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de ses efforts, c’est la pleine satisfaction du cœur, et c’est ce qu’aucune investigation ne pouvait lui procurer. Outre cette tendance directe à fixer son sentiment sur un objet infini, un autre ressort psychologique agit encore chez Pascal, par où s’explique la différence catégorique qui existe entre lui et une figure telle que Malebranche. C’est la peur d’exister dans un monde sans bornes, sans fixité, dans un monde sur lequel la connaissance ne peut aboutir à des résultats solides. Sceptiques et Dogmatiques se disputent ; aucun des deux partis ne peut conserver l’avantage — et pourtant l’un des deux doit avoir raison ; leur querelle même montre que les sceptiques ont en somme raison. Il ne sert à rien de vouloir fonder les principes premiers de la connaissance sur la nature humaine : où trouver en effet la nature humaine ? Elle change continuellement, ou encore elle est gouvernée par l’habitude. Dans le domaine de la pratique, l’homme est poussé par le tourbillon de la vie et par la vanité, ou bien il observe les usages traditionnels. L’homme est plein de contrastes et de contradictions. Le doute et l’incertitude régnent en son âme. « Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’univers ! » — Dans toutes ces contradictions Pascal ne trouve qu’un moyen de salut : se réfugier dans le christianisme, historiquement révélé. En lui son âme passionnée et tourmentée trouva le repos. Pour y amener autrui il avait imaginé un exposé qui s’appuyait sur l’histoire de la Bible et qui devait montrer comment les antinomies et les contradictions de la nature et de la condition humaines s’évanouissaient toutes dans la révélation offerte par les Saintes-Écritures. Ce fut certainement un bonheur pour la gloire posthume de Pascal que la partie positive de son apologie du Christianisme n’ait pas été achevée ; en sorte que ses Pensées sur la nature humaine et ses conditions, qui ne devaient former que la partie préparatoire à l’Apologie, peuvent maintenant agir par leur propre puissance. Ce qui anime Pascal, c’est le sentiment intense de l’importance et de la valeur de la vie. À l’encontre de la tendance rationaliste, qui trouva un si bon appui dans la philosophie de Descartes, Pascal fait appel à la vivante person-