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monde des esprits supérieurs se dresse la figure de Blaise Pascal. Pascal (1623-1662) subit lui aussi l’influence de Descartes et conserva toujours dans l’horizon de ses pensées quelques idées cartésiennes. Les violentes et profondes émotions de sa vie intérieure le décidèrent toutefois à rompre avec la philosophie. Et cependant une certaine parenté ne cesse de se révéler entre la pensée religieuse de Pascal et l’idée philosophique de Descartes : tous deux proclament le droit de la conviction acquise en dehors de l’autorité. Dans son Fragment d’un traité du vide, Pascal se prononce contre la puissance de l’autorité dans le domaine scientifique, et dans le traité de l’esprit géométrique il esquisse avec clarté une théorie de la méthode où il exprime toute son admiration pour le Discours de la méthode de Descartes. Plus tard, après sa crise religieuse, il combat dans le parti des Jansénistes la légitimité de l’autorité papale en matière de faits. De Rome il en appelle au ciel. Et faisant allusion à la condamnation de Galilée, il prononce (dans la 18e Provinciale) cette parole souvent répétée que si la terre tourne réellement, aucun décret ne saurait l’en empêcher ; elle tournerait avec tous les hommes, qu’ils le croient ou non. Comme Bruno et Descartes il croit à l’infini de l’univers ; il utilise cette pensée dans son prosélytisme pour inspirer le vertige à l’homme par le sentiment qu’il est un infiniment petit. Il se range à la conception de l’âme et du corps de Descartes. Le corps n’est pour lui qu’une machine, un automate. Il utilise la profonde opposition qui existe entre la pensée et l’étendue pour insister sur la valeur intellectuelle de l’homme : l’homme, être matériel, ne compte, il est vrai, pour rien à côté des masses énormes ; ce n’est qu’un roseau, mais un roseau pensant ! C’est là une idée bien cartésienne. Mais tout en le remplissant d’enthousiasme, cette idée ne contenait pas pour Pascal la fin suprême. Au-dessus du monde de la matière et de l’esprit s’élevait pour lui le monde surnaturel de l’amour, qui naît à l’homme par la révélation directe de Dieu. La religion, c’est « Dieu sensible au cœur ». La démonstration philosophique pourrait tout au plus mener à un Dieu abstrait, peut-être au Dieu de vérité, mais non au Dieu d’amour, le seul vrai Dieu. Le déisme et l’athéisme sont pour Pascal à peu près une seule et même chose. Le but