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non plus seulement l’idée d’étendue, mais l’étendue réelle elle-même). Le vieux philosophe mystique se sentit gravement touché par ces objections et Malebranche termine sa correspondance avec Mairan en s’en référant à la foi religieuse, base dernière de toute certitude. —

Dans la série des penseurs que nous avons mentionnés, le Cartésianisme menait à un idéalisme théologique ; dans un autre cercle de penseurs il contribua à engendrer de nouvelles formes du scepticisme. Il contenait plusieurs éléments qui pouvaient mener en ce sens. D’abord, le principe du doute méthodique, toute la tendance critique par laquelle la philosophie de Descartes commençait. Tout le monde ne pouvait pas passer avec autant de rapidité que le fondateur du Cartésianisme du doute et de l’analyse à la construction dogmatique. Deuxièmement, le dogmatisme de Descartes devait d’autant plus provoquer la critique, que ses résultats dogmatiques faisaient naître à leur tour de nouveaux problèmes ou posaient des problèmes anciens sous une forme nouvelle. Troisièmement, Descartes maintenait l’antithèse de la religion positive avec la connaissance scientifique, antithèse qui, assez fortement accusée, pouvait avoir pour effet de contester toute valeur définitive aux résultats philosophiques que Descartes pouvait avoir obtenus, puisqu’ils n’aboutissaient pas à la vérité suprême. Ces arguments agirent vers la fin du xviie siècle à des degrés différents et sous des formes différentes sur une série de penseurs, qui, malgré toutes leurs diversités, ont ceci de commun, qu’ils subirent, pendant un certain temps du moins, l’influence de la philosophie cartésienne, et qu’ils passèrent par la suite à un scepticisme plus ou moins marqué en matière de philosophie. Nous nous bornerons ici à les caractériser très brièvement.

Joseph Glanvil (1636-1680) sortit pendant sa jeunesse du puritanisme et de la philosophie scolastique qui régnait à Oxford durant ses années d’études. Il devint un grand admirateur de Bacon et de Descartes, surtout de ce dernier et avait un grand espoir dans l’avenir des sciences expérimentales. Dans son chef-d’œuvre Scepsis scientifica, 1665, qu’il dédia à la Royal Society, il préconisait la recherche désintéressée ; il ne se considérait comme sceptique qu’au sens primitif du mot,