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vent pouvoir nous faire connaître l’essence des choses ; nous transportons aux choses mêmes les qualités sensibles éprouvées par nous. Les choses matérielles en soi sont seulement étendues ; elles ne sont ni colorées, ni dures, ni molles, etc. L’imagination nous trompe, car elle subit l’influence de la sensibilité et dépend de nos sentiments. Malebranche fait une analyse intéressante de la nature psychologique et physiologique des sentiments ; il émet ici des idées qui de nos jours encore attirent l’attention, notamment sur le rôle joué dans l’émotion par l’influence du système nerveux sur les vaisseaux sanguins. — Les erreurs de la perception comme celles de l’imagination viennent de l’action du corps. Mais l’entendement, qui en soi fait pourtant partie de l’âme, doit être également soumis à la critique. La grande question, c’est : d’où viennent nos idées ? Nous ne percevons immédiatement que nos propres modalités intellectuelles et nos opérations spirituelles ; nous ne connaissons les choses qu’au moyen des représentations ou idées que nous en avons. Or ces idées ne peuvent être produites ni par les choses ni par nous-mêmes : car aucun être fini ne peut être cause absolue. La cause est quelque chose de divin, voilà pourquoi c’est du paganisme que d’attribuer la causalité aux choses finies. Il ne peut y avoir qu’une seule et unique cause, à savoir la Divinité : les causes naturelles ne sont que des causes occasionnelles — (d’où le nom de toute cette tendance en philosophie). Quand une sphère se met en mouvement pour avoir été choquée par une autre, celle-ci n’est pas une cause. Il n’y a pas de relation nécessaire entre les mouvements des deux sphères49. Le choc des deux sphères n’est pour le Créateur de tout mouvement matériel que l’occasion d’exécuter la décision de sa volonté, en donnant à la sphère choquée une partie du mouvement de la sphère choquante. La force motrice des corps, c’est seulement et uniquement la volonté de celui qui conserve les corps. Il en est de même de l’esprit humain : sans l’action divine il ne peut ni percevoir ni vouloir. Il ne nous sert à rien de vouloir admettre que Dieu a donné aux corps et aux âmes la faculté d’agir, qu’il leur a octroyé une partie de sa puissance. Car Dieu ne le peut pas : Dieu ne peut pas créer des Dieux ! Comme la vraie religion