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travailler à mon bonheur, Geulincx pense que notre malheur vient, à dire le vrai, de notre recherche trop ardente du bonheur. — Nous ne pouvons pas aborder ici le détail de cette éthique qui est la résignation mise en système. Quantité de remarques éthiques de Geulincx font preuve d’un sentiment délicat et profond. —

Avec Malebranche l’occasionnalisme prend une forme extrême. Le côté mystique du Cartésianisme passe chez lui nettement au premier plan. Nicolas Malebranche, fils d’un haut fonctionnaire de Paris, entra à l’Oratoire en 1660, à l’âge de vingt-deux ans. La faiblesse de sa santé avait, dès son enfance, fait naître en lui le désir d’une existence calme et contemplative, et il passa en majeure partie les dernières années de sa vie dans la solitude de la cellule. Un jour il trouva par hasard un ouvrage de Descartes (Traité de l’homme) et le lumineux développement des pensées l’intéressa et l’enthousiasma au point qu’il eut peine à terminer la lecture, tellement il était ému. Dès cet instant sa vie fut consacrée à la philosophie. Son chef d’œuvre est La recherche de la vérité ; le premier volume parut en 1674. Parmi ses autres ouvrages, il faut citer en particulier les Entretiens sur la métaphysique (1687) qui sont regardés par beaucoup d’esprits comme ce qu’il a fait de plus excellent. Comme auteur, Malebranche est clair, élégant et spirituel, mais un peu diffus. L’intérêt religieux et l’intérêt philosophique allaient chez lui de pair et il croyait avoir trouvé le moyen de les réconcilier complètement. Il ne voyait pas que sa pensée le faisait aboutir à des résultats identiques à ceux où avait abouti avant lui Spinoza (le misérable Spinoza comme il l’appelle). Tout comme Spinoza, Malebranche semble avoir ignoré les occasionnalistes précédents (Cordemoy et Geulincx), preuve qu’il se manifestait ici une tendance naturelle des idées à se développer dans ce sens. Malebranche conserva sa vigueur intellectuelle jusqu’à un âge avancé et mourut en 1715.

Malebranche commence dans la recherche de la vérité par examiner les causes des erreurs et les moyens de s’en délivrer. Une des sources principales de l’erreur, c’est la croyance que les sens, qui nous sont donnés en vue de fins pratiques, doi-