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que des occasions pour Dieu d’intervenir. Ainsi notre volonté par exemple est pour Dieu l’occasion de mouvoir notre bras. La remarque suivante contenue dans le Cours de philosophie du Cartésien Sylvain Régis montre que la tendance à concentrer toute activité en un être absolu contribue au développement de l’occasionnalisme : « Pour produire des actions proprement dites, il faut agir de soi-même et par soi-même, c’est-à-dire par sa propre force, et il est certain que Dieu seul peut agir de cette façon. Il s’ensuit que Dieu seul est une cause vraiment agissante. »

Ces pensées prirent un développement logique chez le Cartésien hollandais Arnold Geulincx (pron. Gölinks). Geulincx naquit en 1623 à Anvers de parents catholiques et étudia à Louvain, où il devint professeur. Sa qualité de Cartésien le faisait mal voir et l’on parvint à l’évincer de sa charge. Il alla alors à Leyde, où il se convertit au protestantisme. Après une vie pleine de tribulations pendant laquelle il fut professeur de philosophie, il mourut de la peste en 1669, peu de temps après avoir obtenu une chaire de professeur à l’Université. Le plus important des ouvrages de Geulincx, qui aient paru de son vivant, est Ethica (1665) (ouvrage qui ne fut publié sous sa forme complète qu’en 1675). La théorie occasionnaliste fait le fond de son Éthique et — plus en détail — de sa Métaphysique publiée après sa mort (1695).

Ce qui caractérise la philosophie de Geulincx, c’est un mélange singulier de rationalisme et de mysticisme. En même temps on voit nettement chez lui le problème de causalité surgir de la théorie cartésienne de la substance.

Geulincx oppose catégoriquement son Éthique à l’Éthique régnante d’Aristote qui partait de la recherche du bonheur et attachait une grande importance à l’exercice et à l’habitude inconsciente. L’Éthique consiste pour Geulincx dans l’obéissance à la loi de raison que Dieu a déposée en nous. Non pas dans l’obéissance à la volonté de Dieu, car elle s’accomplit, quoi que nous fassions, et surabondamment : tandis que tout, si sublime et si sacré que ce soit, est soumis à la discussion de la raison. L’Éthique suppose la connaissance de la nature. L’homme doit connaître la place qu’il occupe dans le monde pour pouvoir